jeudi 26 novembre 2009

DARK HERESY – MAGGOTS IN THE MEAT : RESUME, PART.4




Ragaana cracha dans l’épaisse pâte verdâtre et fétide et touilla énergiquement. Il recueillit une boule d’onguent visqueux au creux de ses doigts et l’étala sans ménagement sur les brûlures de Venria. Celle-ci le regarda faire avec une moue écœurée. Dakka lorgnait discrètement à travers la fenêtre, collé contre le mur, tandis que Constantine se massait les tempes. Zek les observait attentivement. Depuis qu’il les accompagnait, il avait relevé à de maintes reprises des messes-basses, des regards en coin, des silences… Comme si on lui cachait quelque chose.

Il tira une nouvelle lame et entreprit de l’affuter. Une chose était sûre : quelqu’un voulait capturer Constantine vivant. A sa mine déconfite, lui-même ne devait pas en connaître la raison… Shling. Shling. Le bruit de la lame sur la pierre à aiguiser était apaisant, et lui permettait de se concentrer.

Constantine fixa Zek, assis de l’autre côté de la pièce. Le vacarme causé par l’affutage de ses armes lui fit serrer les dents, et il lui aurait bien demandé de cesser s’il n’avait eu conscience de la probable nécessité de sa petite besogne pour les jours à venir. Oui, ils devaient être prêts, rester alertes…

Sur le port, des prêtres-fossoyeurs chargèrent quelques corps blafards sur un chariot. Les malheureux s’étaient noyés dans le tumulte du phénomène Warp. Par leur faute… Mais les citadins ne parlaient que du terrible Horloc, venu pour dévorer les nobles qui troublaient son sommeil avec leurs guerres incessantes.

Des disparitions inexpliquées, des mercenaires hors-monde au service de Vestra et alimentant les rebelles, des fossoyeurs stipendiés Void Born engagés par Orcan… Un sombre pressentiment naquit dans l’esprit de Constantine, à la lueur des corrélations qui pouvaient exister entre ces éléments. Ils devaient être sûrs.

Il fit part de cette idée aux autres acolytes… Mais où pouvaient-ils commencer leur enquête sans éveiller trop de soupçons ? La cour était un lieu de départ idéal, mais présentait trop de risques pour Constantine. Se rapprocher trop vite des prêtres Void Born serait peut-être suicidaire… Il fallait enquêter de manière périphérique. La morgue pouvait constituer un bon lieu, pour un début.

Ils quittèrent leur repère sans faire de vague, et se dirigèrent vers les chambres mortuaires. Ils les trouvèrent sans difficulté, mais la progression fut laborieuse. Ils durent longer les rues dévastées, à moitié recouvertes de décombres, de cendres et de sang. La pluie n’était plus qu’une fine bruine, mais les écoulements avaient laissé entre les pavés défaits des mares boueuses et parfois rougies, là où un cadavre gisait encore.

Des hommes et des femmes hagards erraient, certains à la recherche d’autres survivants parmi leurs amis, leur famille… Tout n’était que ruine et désolation.

Les grilles austères de la morgue étaient entrouvertes. Ils entrèrent dans la sombre bâtisse, goûtant un air moite et stagnant, et saturé de naphtaline. Un employé siégeait à un bureau, près de l’entrée. Il était visiblement oisif, et son regard trahissait de l’étonnement en voyant les acolytes entrer. Il leur révéla qu’ils avaient peu de visiteurs, ces temps-ci. Vivants ou morts, d’ailleurs. De plus en plus, les corps étaient directement pris en charge par les prêtres du Mortus-Charonis.

C’était son collègue qui était à l’accueil le jour où ils étaient venus les trouver. Lui était en train d’écumer la ville à la recherche de solutions chimiques, qui se faisaient rares, ces temps-ci. Il lui avait dit que des prêtres à la pâleur morbide et aux traits émaciés étaient venus et avaient embarqué les corps. Les catacombes étaient vides. Vides ! Mais il ne pouvait rien faire, ils avaient une autorisation impériale… Et ils ont demandé à ce qu’ils leur livrent tous les cadavres qu’on leur amènerait. Mais ils en ont gardé quelques-uns, bien sûr. Il fallait bien vivre…

Les acolytes descendirent dans les chambres mortuaires à la lueur des flambeaux. L’autre médecin-légiste était en train de disséquer le corps d’un jeune homme. Interrogé sur les fameux prêtres, il leur révéla tout ce qu’il savait. Ces derniers arboraient une sorte de larme étrange sur le front, une sorte de bijou cristallin. Ils s’étaient installés dans la ville, aussi. Au vieux moulin et dans les entrepôts avoisinants. C’est là qu’ils conservaient tous les corps, en attendant qu’un bateau arrive pour tous les emmener. Et qu’advenait-il des cadavres ? Il n’en savait rien, mais il avait entendu dire qu’ils les amenaient dans les étoiles pour les immoler dans le feu des soleils. A leurs yeux, les astres étaient des fenêtres vers l’âme immortelle de l’Empereur-Dieu.

Mais alors qu’ils étaient en train de discuter, les acolytes virent le drap couvrant pudiquement le cadavre sur lequel le médecin était en train de travailler glisser lentement, tandis que la forme s’animait. Des mouches et des moustiques innombrables se mirent à voleter frénétiquement dans les catacombes. Le trépassé se relevait, déversant le contenu de sa cage thoracique sur le sol dans un bruit de succion dégoûtant.

Ses mains décharnées se refermèrent sur le malheureux docteur, qui hurla de terreur, tandis que ses dents jaunies arrachaient sa gorge dans un geyser écarlate. Les acolytes brandirent leurs armes et firent feu sur la créature maudite. Un de ses bras tomba au sol, arraché par le shrapnel du fusil à pompe de Venria. Les autres tirs firent éclater ses organes, qui pendaient mollement de son abdomen entrouvert. Mais le mort-vivant se contenta de les regarder, un sourire peint sur son visage. Peint en sang frais, qui dégoulinait sur son menton et sa gorge…

Une de ses jambes fut arrachée à son tour par la violence des tirs. Il s’effondra, et se mit à ramper… Ses yeux mornes étaient fixés sur eux. D’une voix gutturale et chuintante, il parla.

- Je sais qui vous êtes. Il ne serait pas déraisonnable de travailler ensemble…

Un coup de fusil de Dakka lui explosa la tête dans une gerbe de sang noirâtre, de chair putréfiée et de matière cérébrale. Le Fedridien cracha sur le cadavre. Reste mort et fais pas chier !

Les moucherons se muèrent en cendres noirâtres, en poussière, avant de disparaître. L’autre médecin arriva en courant et hurla de terreur en voyant la scène. Il resta prostré dans un coin, alors que les serviteurs de l’Inquisition quittaient la morgue.

Partout où ils allaient, les morts avaient une fâcheuse tendance à vouloir se relever…

Le moulin abandonné se dressait encore, lugubre, au milieu des entrepôts déserts et éventrés par les boulets de canon. Ses quatre pales détériorées étaient immobiles, les membranes de tissu étripées, et crissaient faiblement… Les citadins avaient déserté cette zone trop proche du port pour se réfugier dans les hauteurs de la cité.

Les acolytes entrèrent dans la morgue du Mortus-Charonis, située dans un entrepôt, et se retrouvèrent nez-à-nez avec un homme de haute stature, au teint pâle, et arborant une larme de cristal rouge sur le front. Il était penché sur un lourd registre, qu’il ferma à leur entrée. Il n’avait pas sur lui le manteau noir de sa fonction, mais au contraire, était vêtu d’atours noirs aux dentelles délicates. Il n’avait pas l’apparence d’un prêtre, mais plutôt d’un intendant d’une riche lignée marchande…

Ainsi, le commerce des morts était rentable…

Deux servo-skulls vinrent bourdonner autour de sa tête, lorgnant de leurs orbites creuses, dans lesquelles étaient enchâssés des focales augmentiques, les nouveaux arrivants. Les yeux sombres de l’intendant pétillèrent d’une étrange excitation.

- Messieurs, Madame. Que puis-je pour vous ?

Les acolytes pouvaient entendre le bourdonnement de machines dans l’entrepôt. Des recycleurs d’air, des modules de refroidissement… Ces mercenaires avaient un équipement de pointe. Un servitor chromé poussant une palette antigrav passa à côté d’eux, avec un cadavre allongé dessus, avant de se diriger vers les chambres froides.

Constantine se tenait en retrait derrière ses compagnons, ses traits cachés sous un masque pour éviter que quiconque ne le reconnaisse. Mais même de là où il se trouvait, il pouvait ressentir l’étrange tension et la trépidation du scribe. Comme l’appétit d’un prédateur devant une délicieuse proie.

Venria s’avança.

- La curiosité, en grande partie. Nous sommes de retour depuis peu sur Acreage, suite au décès d’un proche, mais nous avons été étonnés de trouver la morgue vide. Nous avons été aiguillés vers vous…

Le sourire de l’intendant grandit encore un peu plus.

- Je comprends. Nous faisons partie du Mortus-Charonis, un ordre monastique qui offre ses services à ceux dans le besoin. Nous sillonnons le secteur pour aider à juguler les épidémies, qui ne manquent pas d’accabler la population des contrées en guerre, si l’office des morts n’est pas bien réalisé. Dans de nombreux cas, les autorités compétentes sont vite débordées. Nous les assistons.
- Contre paiement, j’imagine.
- En effet.
- J’ai entendu dire que vous aviez une bien curieuse manière de vous occuper des morts.
- Nous offrons nos services, mais dans le respect de nos croyances. Je sais que certains détracteurs considèrent que nous n’offrons pas les derniers sacrements adaptés. L’usage voudrait que nous les immolions, mais cela est néfaste pour la santé des vivants. Nous préférons les offrir au feu des astres, qui dans notre foi, sont les yeux de l’Empereur-Dieu. C’est un honneur immense de se voir ainsi offrir au feu primal…

Les acolytes demeurèrent un temps silencieux, digérant l’information. Une terrible prémonition vit le jour dans l’esprit de la Sororitas, qui demeure comme tétanisée.

- Vous recherchiez un proche, n’est-ce pas ? Peut-être pourrais-je vous renseigner ?
- Non, je suis sûre que vous lui avez accordé les onctions nécessaires. Votre professionnalisme est manifeste…

Les acolytes se détournèrent, tandis que le scribe souriait toujours.

Ils regagnèrent la taverne en hâte. Venria semblait inquiète, mais refusait obstinément de se livrer tant qu’ils n’étaient pas à l’abri. Ils ne firent pas attention au servo-skull qui planait au-dessus de leur tête à plusieurs mètres de hauteur…

Zek referma la porte et la verrouilla, tandis que Venria commençait déjà, paniquée, à leur faire part de ses suppositions. Coriolanus Vestra proclamait être le prophète de l’Astre Tyran, du soleil noir ! Et ces mercenaires-fossoyeurs, que faisaient-ils ? Ils livraient des cadavres au soleil du système. Cela ne pouvait être une coïncidence… Cela voulait aussi dire que quelque chose de sombre se préparait. Un rituel démoniaque ? Appelaient-ils l’Astre Tyran de cette manière ?

Dakka repensa à Mara et en eut des sueurs froides. Il revit l’astre en train d’être dévoré par la sphère noire, et se demanda s’il n’y avait pas de rapport… Mais il le garda pour lui, incapable de reparler de cette expérience traumatisante.

Zek secoua la tête. Il n’était pas convaincu par la thèse de Venria. Le Mortus-Charonis était un culte légitime, qui agissait dans de nombreux systèmes voisins. Et personne n’avait détecté de phénomène étrange jusque-là. Des cadavres envoyés dans un soleil ? Quel mal cela pouvait-il faire ?

Ragaana n’avait que trop conscience des éventualités. Les idées se bousculaient dans sa tête. Et le diable était précisément dans ces possibilités innombrables. Ils devaient avoir plus de détails, si rituel il y avait, pour définir clairement leurs intentions…

C’est alors qu’ils entendirent le bruissement ténu de moteurs… Dakka se posta à la fenêtre, pour voir ce qu’il se passait. Il vit trois transports de troupes aériens foncer droit vers eux, à pleine vitesse, depuis le nord-ouest. Un vacarme assourdissant déferla dans les rues, faisant trembler le verre des vitres, tandis que les batteries antiaériennes de la ville-forteresse ciblaient les intrus.

Elles se frayèrent un chemin entre les déflagrations, volant bas pour éviter les tirs et frôlant les toits. L’une d’elles se stabilisa au centre du port, et ses portes s’ouvrirent. Des hommes armés descendirent sur la place le long de cordes, alors que des passants hurlaient de terreur ou demeuraient cloués sur place, tétanisés par la peur. Pour la majorité d’entre eux, c’était la première fois qu’ils voyaient un vaisseau, et ils devaient leur apparaître tels des dragons de légende, vomissant des flammes bleutées depuis leurs réacteurs, comme des gueules incandescentes.

Les bateaux tanguèrent sous le souffle des réacteurs, et des vaguelettes concentriques fendirent les eaux de la baie. Le vent cinglait violemment les malheureux témoins de l’arrivée des vaisseaux, alors que les mercenaires se dispersaient pour encercler la taverne. Ils savaient où ils étaient !

Constantine reconnaissait leurs uniformes. Gainés de cuir renforcé de plaques de céramite, arborant des respirateurs et des lunettes de vision qui couvraient l’intégralité de leur visage, brandissant des armes sophistiquées et des pistolets à aiguilles sûrement chargés de produits soporifiques…

Les mêmes hommes qui les avaient attaqués quelques heures plus tôt…

Les deux autres transporteurs passèrent au-dessus de la taverne, et les vitres, les murs, le sol, le plafond vibrèrent. Les acolytes empoignèrent leurs armes en hâte afin de déguerpir. Déjà, des hommes de la milice se précipitaient sur la place, accompagnés de géants mécaniques pour faire face à l’intrusion. Les tirs résonnèrent… Constantine se précipita dans les escaliers, dévalant les marches, heurtant les murs dans sa précipitation.

C’est alors qu’ils enfoncèrent la porte de la taverne.

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