lundi 30 novembre 2009

DARK HERESY – MAGGOTS IN THE MEAT : RESUME, PART.5



Les aiguilles sifflèrent à travers la salle, faisant éclater des verres, des bouteilles, scarifiant le bois des tables, des chaises, du comptoir… Constantine plongea derrière une lourde desserte, entendant les aiguillons claquer sourdement dans le meuble. Dakka se plaqua contre le montant de la porte et fit vociférer son fusil mitrailleur en direction des assaillants. Dans des panaches de poussière, les vitres, les pots de fleurs, les lanternes éclatèrent, tandis que les mercenaires se mettaient à l’abri.

Profitant de ce tir de couverture, Constantine s’élança en direction de la porte arrière de la taverne, suivi de près par Ragaana et Zek, tandis que Dakka et Venria assuraient leurs arrières. Ils passèrent à côté de l’aubergiste qui hurlait sous le coup de la terreur, prostré derrière le comptoir, alors que des bris de verre et de la poussière lui tombaient sur la tête. D’un coup de pied, Constantine défonça la porte, qui claqua contre le mur, et il écarquilla les yeux.

L’un des deux autres vaisseaux s’était placé en vol stationnaire au-dessus des toits, juste derrière l’auberge. Des hommes s’étaient positionnés sur les faîtages, abrités derrière des cheminées, et les visaient, tandis que d’autres descendaient encore de l’appareil.

Les éperons effilés cliquetèrent sur le sol pavé alors que Constantine se mettait à courir. Zek et Ragaana lui emboitèrent le pas, impuissants. Dakka arriva à la porte et reporta son attention sur les nouveaux belligérants. Son feu nourri fit exploser les tuiles. L’un des attaquants eut le malheur de réagir trop tard. Son corps convulsa alors que deux gerbes de fines gouttelettes de sang jaillirent de son torse en une brume rubiconde. Derrière lui, Venria retenait toujours les agresseurs dans le mince corridor.

Elle passa la porte à son tour, rasant les murs. Dakka lui adressa un coup d’œil, son doigt encore crispé sur la gâchette. Puis il s’élança à sa suite.

Constantine cavala dans les ruelles, déboucha sur une grande artère exposée. Il entrevit les ombres d’autres assaillants les suivre depuis les toitures, sautant de maisonnée en maisonnée. Il ajusta son pistolet, manqua sa cible en étouffant un juron. En bas de l’avenue, quelques mercenaires avaient contourné la taverne et montaient vers eux.

Il regarda brièvement dans la direction opposée, tandis qu’ils étaient rejoints par Dakka et Venria. Le dernier appareil s’était placé en interception, torpillant les batteries antiaériennes de missiles et de bolts incendiaires. Ils ne pouvaient pas fuir indéfiniment… Les torpilles vitrifiaient le haut de la cité et la base du palais. Un déluge de Prométhéum enflammé… Il se tourna avec réticence vers les assaillants.

- Que voulez-vous ?

Un mercenaire lui répondit sans se dévoiler de sa cachette. Dakka pointait toujours son arme dans leur direction, tandis que Venria faisait face aux stipendiés qui remontaient l’avenue.

- Vous, Constantine Narsès. Suivez-nous sans résistance, et nous épargnerons vos compagnons.
- Qui êtes-vous ?
- De simples agents envoyés pour vous appréhender. Ce que nous ferons. A vous de choisir si cela se fera dans le calme ou dans la violence.

Les renforts arrivèrent à proximité du lieu de confrontation. Quatre hommes armurés et masqués, leurs armes pointées vers eux de manière inflexible. Dakka lorgna vers les nouveaux arrivants, gardant en joue ceux du surplomb. Il y en avait trois là-haut, d’après ses estimations. Ce qui portait le nombre d’ennemis à sept. Mais d’autres ne tarderaient pas à venir. Il essuya une goutte de sueur qui perlait de son front. Ils seraient alors en écrasante supériorité numérique.

Venria faisait face à quatre mercenaires, fusil à pompe à la main. Leurs armes étaient braquées sur elle. Au moindre de ses gestes, ils n’hésiteraient pas à tirer… Et elle n’en sortirait pas vivante. Elle cligna des paupières pour chasser la transpiration qui commençait à couler dans ses yeux.

Dakka s’adressa à Constantine en faisant un bref signe de tête à Ragaana, qui le lui rendit.

- Comme si on allait les laisser faire. Qu’ils aillent au diable.

Zek approcha furtivement ses mains de son plastron, où étaient alignées une dizaine de couteaux de lancer. Constantine regarda Dakka, puis Venria. La tension grimpa d’un cran.

- Je me dois de refuser.

Dans un même mouvement, Venria tira dans le torse du premier mercenaire, qui vola en arrière sous le coup de l’impact. Dakka arrosa les toits de balles, tandis que les douilles giclaient en cascades de son fusil mitrailleur. Un couteau s’enfonça profondément dans la gorge d’un autre assaillant, tandis que Zek tournoyait déjà vers un autre adversaire, lame à la main. Le soldat tomba à genoux en portant une main gantée vers son cou alors que le sang bouillonnait hors de son respirateur. Son autre doigt se crispa sur sa gâchette, et une rafale érafla l’épaulette droite de la Sororitas.

Le vaisseau placé en couverture explosa soudain sous les tirs des systèmes de défense de la cité. Sa carcasse flambante tomba sur un immeuble, qui s’effondra sur lui-même dans un panache de flammes, de fumée noire et d’étincelles.

Un projectile lacéra la cuisse de Dakka. Le Fedridien fut forcé de se rabattre pour éviter les tirs qui provenaient des toits. Une rafale rabroua Zek tandis qu’il lançait un autre couteau. Il tomba à la renverse dans les gravats, avec le goût du sang dans la bouche. La lame cliqueta contre le casque d’un ennemi sans parvenir à l’entailler et tinta contre les pavés. Des balles martelèrent l’armure de Venria et trouvèrent sa chair. Elle s’effondra à son tour.

C’est alors que Constantine l’entendit arriver. Le colosse de métal tourna le coin d’une ruelle, alerté par les déflagrations. Ses pas pilonnèrent le sol tandis que son buste pivotait pour leur faire face. Ses canons rotatifs commencèrent à tournoyer, prêts à déverser une pluie mortelle d’acier… Un Géant de
Fer. Sous sa carapace de métal corrodé, une lumière verdâtre pulsait au niveau de ses articulations. Une vapeur lugubre s’échappait de ses tuyaux de refroidissement.

Ragaana psalmodiait. L’air frémissait autour de sa silhouette, tandis que du givre psychique couvrait les pavés et les murs des bâtisses les plus proches. Il exhala une vapeur glacée tandis que ses yeux s’illuminaient soudain d’une lueur spectrale… Ses mains dansaient dans les airs, fouettant les effluves moirées qui suintaient de sa chair. De fugaces symboles exagrammatiques jaillirent de sa bouche, tandis qu’il sentait les courants du Warp se déverser en lui et hors de lui…

Tout le monde fut pris d’un vague vertige. Soudain, toutes les armes cessèrent de fonctionner ou s’enrayèrent. Les gâchettes cliquetèrent dans le vide. Le Géant de Fer se figea alors que ses canons ralentissaient, et il s’inclina tandis que ses systèmes s’éteignaient. Constantine se détourna du géant désormais inanimé. Venria dégaina son épée tout en pressant ses blessures, et l’enfonça dans la poitrine du mercenaire qui lui faisait face. L’homme s’affaissa en beuglant, essayant encore de comprendre pourquoi son pistolet l’avait lâché.

Le dernier adversaire jeta son arme pour tirer sa propre lame. Ragaana le toisa du regard, et encore investi des forces de l’Immaterium, les focalisa sur ses mains. Il exulta, prêt à lacérer son ennemi. Mais les griffes noires ne s’étirèrent pas, et nulle puissance n’en émana. Surpris, il persista, sans se rendre compte des remous qui agitaient nerveusement les marées du Warp.

Un torrent furieux déferla sur le Psyker, qui ne put qu’écarquiller les yeux devant cet influx soudain. Le monde sembla basculer, hors de contrôle…

Une terrible explosion d’énergie jaillit de Ragaana. Les forces brutes du Warp cinglèrent la réalité, tandis qu’une onde de choc titanesque se répandait hors de lui. L’air sembla se contracter autour de lui, puis se boursoufler soudainement. Les pavés furent projetés comme de simples fétus de paille. Dakka fut soulevé par l’impact et s’écrasa contre le mur de la maison la plus proche, le dos labouré par les éclairs incandescents. Venria fut balayée par la déflagration, tandis qu’un galet de la taille d’un poing enfonçait le casque de son adversaire.

Les maisons se fissurèrent sous le choc, les poutres craquèrent et s’arquèrent, les vitres éclatèrent. Deux habitations s’effritèrent, et se désagrégèrent brutalement, comme emportées par un ouragan. Les tuiles giclèrent, et les mercenaires postés sur les toits propulsés dans les airs. Constantine fut jeté à terre, rebondissant contre les pavés. Son corps tournoya dans les airs, avant que son dos et sa tête ne heurtent un mur crevassé. Le Géant de Fer bascula en arrière et fit trembler le sol dans sa chute. Zek se cramponna, enfonçant une de ses lames entre les dalles pour ne pas être emporté à son tour.

Puis le maelstrom de destruction reflua. Toute la zone était obscurcie par une fumée dense, et des débris continuèrent de pleuvoir alentour. Les oreilles de Constantine sifflaient. Il tenta de se relever, tituba et retomba lourdement à terre, avant de se diriger d’un pas hagard vers Ragaana. Venria rampait sur le sol, crachant une salive maculée de poussière et de sang. Zek se relevait avec peine, tenant son bras gauche blessé avec sa main droite, haletant, couvert de poussière. Dakka roula sur le côté, sa tête bourdonnant sourdement, clignant des yeux et toussant…

Ils étaient vivants…

Les derniers vestiges de la fumée se dissipèrent, soufflées par les vents marins. Ragaana gisait dans un cratère vitrifié. Son corps nu et fumant était recroquevillé en position fœtale, à demi enseveli sous les décombres. Plusieurs maisons s’étaient effondrées, et rien d’autre à part eux ne semblait bouger au sein des ruines.

Constantine chancela jusqu’au cadavre de l’un des mercenaires, et lui retira son casque. Sur le front du cadavre, bien en évidence, une larme de cristal rouge… Il grimaça de haine, tout comme Venria.

Dakka dévala maladroitement la pente du cratère, l’arme en bandoulière. Il tira le corps inanimé du chaman hors des gravats. Constantine aida Venria à se relever, et la prit par-dessous l’épaule. Malgré son bras bringuebalant, Zek porta assistance au soldat Fedridien pour hisser Ragaana hors de la concavité. Ils errèrent dans les rues dévastées, couverts de poussière et de suie, jusqu’à une taverne non loin de là. Ils défoncèrent la porte et jetèrent quelques Trônes au tenancier, éberlué, tout en brandissant leur passe-droit officiel.

Ils ordonnèrent à l’aubergiste de leur apporter de l’eau, des linges propres, et de leur ouvrir des chambres. Ce dernier s’exécuta promptement. Les acolytes allongèrent le corps meurtri et enfiévré de Ragaana sur une couche, l’empêchant à plusieurs reprises d’avaler sa langue et de convulser. Une fois que le tavernier leur amena des bassines d’eau chaude, ils se débarbouillèrent prestement, tandis que l’hébétement cédait la place à la colère.

Venria demanda à Zek de veiller sur Ragaana. Elle, Constantine et Dakka iraient réquisitionner des troupes pour mener un assaut contre le Mortus-Charonis et débusquer Vestra.

Passant à côté des carcasses des deux autres vaisseaux abattus, ils se présentèrent à la milice avec le document que leur avait remis Orcan. Le capitaine de la garde écarquilla les yeux à la vue du sceau impérial, mais ne se laissa pas impressionner. Il mobilisa rapidement ses hommes, avec une efficacité sans faille. Près d’une soixantaine d’hommes vinrent se tenir dans la cour, en rangs impeccables, sous le regard satisfait des acolytes…

La force de frappe se mit en marche sous de hautes bannières claquant au vent. Soixante soldats en armure de plates complètes, brandissant mousquets laser et épées...

Les portes de l’entrepôt furent enfoncées. Les soldats d’Orcan s’engouffrèrent dans la morgue… Les lasers sifflèrent. Des servitors et des servo-skulls émergèrent des tréfonds de la bâtisse, appuyant la contre-offensive des fossoyeurs, qui s’étaient regroupés après l’attaque infructueuse contre la taverne.

S’ils étaient moins nombreux, les armes en leur possession étaient d’une technologie nettement plus avancée. De nombreux miliciens tombèrent sous les tirs ennemis, leur plastron ou leur heaume éventré par les salves énergétiques. Mais le courage ne leur manquait pas. Ils continuèrent à presser leurs adversaires, et bientôt, ils enjambèrent les carcasses noircies des servitors, écrasèrent les crânes flottants sous leurs bottes, et contraignirent l’ennemi à se retrancher derrière leur dernière barricade. Se voyant dans une situation clairement désespérée, le scribe que les acolytes avaient rencontré leur signifia leur reddition.

Seize morts et une trentaine de blessés… Les pertes avaient été lourdes. Les six prisonniers des Mortus-Charonis étaient agenouillés sous le regard véhément des gardes survivants, mains derrière la tête en signe de soumission, mais leurs yeux demeuraient ouvertement défiants. Les acolytes emmenèrent le scribe dans une pièce et ordonnèrent aux miliciens de ne pas les déranger. Ils le questionnèrent.

L’intendant se montra loquace, en gage de bonne volonté. Il révéla aux acolytes qu’ils avaient été contractés par Coriolanus Vestra, payés rubis sur l’ongle. Vingt-cinq mille Trônes par mois… Les servants de l’Inquisition pâlirent. C’était une somme colossale. Le mercenaire leur avoua être prêt à coopérer, s’ils lui garantissaient la vie sauve en échange. Ils acceptèrent.

Il leur révéla alors avoir été embauchés pour traquer une famille prétendument Void Born, les O’Dientro, mais ils savaient que cette lignée était éteinte depuis des siècles. Celle qui s’était translatée sur Acreage était des imposteurs et n’appartenait pas à l’Imperium. Vestra était intéressé par le fait de retrouver cette dynastie, ou leur progéniture. Or ils savaient que le sang de ces voyageurs coulait chez deux enfants sur Acreage, Sophia et Constantine Narsès.

Vestra était là pour les retrouver. Ils avaient retrouvé la trace de l’un des deux, Constantine, mais l’avaient découverte trop tard. Ils avaient appris qu’il était mort sur une lune pénitentiaire appelée Géhenne, en périphérie du secteur, lors d’un bombardement orbital. Leurs recherches s’étaient alors concentrées sur la fille…

Ils avaient longuement planifié leurs actions, étudié la géopolitique de la planète, financé la rébellion à travers la Maison Rabast, en fournissant aux insurgés, à travers lui, des armes, des munitions, des fonds et des provisions. Il avait tenté de se soustraire à leur influence, mais ils savaient des choses sur lui, notamment ses attraits malsains et ses tendances pédophiles et incestueuses.

Ils avaient soudoyé les clercs de l’Administratum pour retarder la proclamation de Rhozeia en tant que Haute-Reine d’Ascandia, afin de maintenir le climat d’instabilité. Puis s’étaient manifestés à Orcan en tant que prêtres du Mortus pour opérer en toute légalité et noyauter la planète.

Rabast avait tenté de se rebeller à nouveau, mais ils avaient pris le soin de kidnapper Magdalene, sa fille, pour le museler définitivement. Pris au piège, ce dernier les avait alertés lorsqu’il avait eu vent du retour de Constantine. Il avait été prévenu par Rhozena, et les avait tout de suite tenus informés, en tentant de négocier la libération de sa fille.

Ils savaient énormément de choses. Des informations capitales qu’ils pouvaient exploiter, en échange de leur libération. Par exemple, qu’Orcan était un bâtard des Narsès, le fils illégitime de Belisarius… A cette révélation, il lorgna du côté de Constantine et sourit.

Sous son masque, Constantine blêmît devant toutes ces révélations. Pourquoi Coriolanus Vestra les recherchaient-ils, lui et sa sœur perdue ?

Venria lui demanda où était le prêcheur hérétique. Le mercenaire lui révéla qu’il avait installé ses quartiers dans l’ancien palais Narsès, dans les terres maudites. Mais alors qu’elle lui demandait pourquoi ils dérobaient les morts, il se rendit compte que les acolytes n’avaient nullement l’intention de les libérer. Elle réitéra sa question, mais l’homme demeura muet. Elle lui décocha une gifle. Pourquoi subtilisaient-ils des cadavres ? Le scribe se coupa soudain la langue et recracha le morceau sectionné. Il sourit, malgré ses spasmes et sa douleur, du sang coulant sur son menton.

De son côté, Dakka apprit par Boucles d’Or et Plex que cinq vaisseaux de descente atmosphérique aux couleurs du Mortus étaient arrivés sur l’Île de l’Empereur sans autorisation impériale. Deux cent cinquante hommes en étaient sortis et avaient embarqué sur un navire, l’Almighty Sun, et prenaient la direction d’Olrankan.

Les acolytes parvinrent à faire parler un autre prisonnier. Ils avaient averti leur hiérarchie de la visite des acolytes à l’entrepôt, et des renforts avaient été envoyés promptement. Ils ne tarderaient pas à arriver… L’Almighty Sun disposait d’un équipement technologique le rendant invisible aux Géants de Fer qui écumaient les marais de l’ancien domaine Narsès, et c’est ainsi qu’ils s’y rendaient sans encombre.

Mais alors qu’ils allaient pour planifier et préparer leur intervention, un lieutenant de la Garde Palatine fit irruption dans la pièce, suivi de six soldats d’élite. Orcan entra à son tour, furieux, et fustigea les acolytes du regard. Des vaisseaux, dans sa ville ? Il passa à côté de Constantine sans lui prêter attention, et leur somma avec véhémence de lui expliquer ce qui se passait.

Constantine fit profil bas, le visage dissimulé derrière son masque. Son cœur battait la chamade, tandis que ses doigts se crispaient sous le coup de la tentation. Il aurait été si facile de le tuer, à cet instant précis. Mais les idées se bousculaient dans sa tête. Cet homme était son demi-frère…

Dakka prit les devants. Il expliqua à Orcan que des hérétiques sévissaient actuellement en Ascandia. Ils s’excusaient de la gêne occasionnée, mais leur action était sanctifiée par l’Imperium, et devait être poursuivie, jusqu’à la destruction des traîtres. De vils apostats avaient trouvé refuge dans les terres maudites, et certains étaient actuellement en route pour Olrankan depuis l’Île de l’Empereur, et causeraient encore plus de destruction. Il fallait agir vite pour déjouer leurs plans.

Le Régent, loyal et dévoué sujet de l’Empereur, y vit une nouvelle occasion de briller et de se montrer magnanime. Il fit en sorte d’allouer plus de moyens aux acolytes, tout en se rassérénant des excuses formulées à son égard. L’Inquisition lui faisait part de ses excuses ? Son ego ainsi flatté, il quitta la pièce, intimant à ses lieutenants de se préparer pour la guerre. Peut-être la Sainte Inquisition accorderait-elle sa bénédiction sur ses projets de croisade contre Evaness, qui sait ?

Avec l’autorisation d’Orcan, le Pellenshir vint chercher les acolytes en pleine mer, loin des regards du bas-peuple. Plex et Boucles d’Or étaient entrés en contact avec Strygos et ses compagnons, et un lieu de regroupement avait été défini, pour leur permettre d’organiser une offensive commune sur les forces de Coriolanus Vestra.

L’assaut final pourrait bientôt débuter…

jeudi 26 novembre 2009

DARK HERESY – MAGGOTS IN THE MEAT : RESUME, PART.4




Ragaana cracha dans l’épaisse pâte verdâtre et fétide et touilla énergiquement. Il recueillit une boule d’onguent visqueux au creux de ses doigts et l’étala sans ménagement sur les brûlures de Venria. Celle-ci le regarda faire avec une moue écœurée. Dakka lorgnait discrètement à travers la fenêtre, collé contre le mur, tandis que Constantine se massait les tempes. Zek les observait attentivement. Depuis qu’il les accompagnait, il avait relevé à de maintes reprises des messes-basses, des regards en coin, des silences… Comme si on lui cachait quelque chose.

Il tira une nouvelle lame et entreprit de l’affuter. Une chose était sûre : quelqu’un voulait capturer Constantine vivant. A sa mine déconfite, lui-même ne devait pas en connaître la raison… Shling. Shling. Le bruit de la lame sur la pierre à aiguiser était apaisant, et lui permettait de se concentrer.

Constantine fixa Zek, assis de l’autre côté de la pièce. Le vacarme causé par l’affutage de ses armes lui fit serrer les dents, et il lui aurait bien demandé de cesser s’il n’avait eu conscience de la probable nécessité de sa petite besogne pour les jours à venir. Oui, ils devaient être prêts, rester alertes…

Sur le port, des prêtres-fossoyeurs chargèrent quelques corps blafards sur un chariot. Les malheureux s’étaient noyés dans le tumulte du phénomène Warp. Par leur faute… Mais les citadins ne parlaient que du terrible Horloc, venu pour dévorer les nobles qui troublaient son sommeil avec leurs guerres incessantes.

Des disparitions inexpliquées, des mercenaires hors-monde au service de Vestra et alimentant les rebelles, des fossoyeurs stipendiés Void Born engagés par Orcan… Un sombre pressentiment naquit dans l’esprit de Constantine, à la lueur des corrélations qui pouvaient exister entre ces éléments. Ils devaient être sûrs.

Il fit part de cette idée aux autres acolytes… Mais où pouvaient-ils commencer leur enquête sans éveiller trop de soupçons ? La cour était un lieu de départ idéal, mais présentait trop de risques pour Constantine. Se rapprocher trop vite des prêtres Void Born serait peut-être suicidaire… Il fallait enquêter de manière périphérique. La morgue pouvait constituer un bon lieu, pour un début.

Ils quittèrent leur repère sans faire de vague, et se dirigèrent vers les chambres mortuaires. Ils les trouvèrent sans difficulté, mais la progression fut laborieuse. Ils durent longer les rues dévastées, à moitié recouvertes de décombres, de cendres et de sang. La pluie n’était plus qu’une fine bruine, mais les écoulements avaient laissé entre les pavés défaits des mares boueuses et parfois rougies, là où un cadavre gisait encore.

Des hommes et des femmes hagards erraient, certains à la recherche d’autres survivants parmi leurs amis, leur famille… Tout n’était que ruine et désolation.

Les grilles austères de la morgue étaient entrouvertes. Ils entrèrent dans la sombre bâtisse, goûtant un air moite et stagnant, et saturé de naphtaline. Un employé siégeait à un bureau, près de l’entrée. Il était visiblement oisif, et son regard trahissait de l’étonnement en voyant les acolytes entrer. Il leur révéla qu’ils avaient peu de visiteurs, ces temps-ci. Vivants ou morts, d’ailleurs. De plus en plus, les corps étaient directement pris en charge par les prêtres du Mortus-Charonis.

C’était son collègue qui était à l’accueil le jour où ils étaient venus les trouver. Lui était en train d’écumer la ville à la recherche de solutions chimiques, qui se faisaient rares, ces temps-ci. Il lui avait dit que des prêtres à la pâleur morbide et aux traits émaciés étaient venus et avaient embarqué les corps. Les catacombes étaient vides. Vides ! Mais il ne pouvait rien faire, ils avaient une autorisation impériale… Et ils ont demandé à ce qu’ils leur livrent tous les cadavres qu’on leur amènerait. Mais ils en ont gardé quelques-uns, bien sûr. Il fallait bien vivre…

Les acolytes descendirent dans les chambres mortuaires à la lueur des flambeaux. L’autre médecin-légiste était en train de disséquer le corps d’un jeune homme. Interrogé sur les fameux prêtres, il leur révéla tout ce qu’il savait. Ces derniers arboraient une sorte de larme étrange sur le front, une sorte de bijou cristallin. Ils s’étaient installés dans la ville, aussi. Au vieux moulin et dans les entrepôts avoisinants. C’est là qu’ils conservaient tous les corps, en attendant qu’un bateau arrive pour tous les emmener. Et qu’advenait-il des cadavres ? Il n’en savait rien, mais il avait entendu dire qu’ils les amenaient dans les étoiles pour les immoler dans le feu des soleils. A leurs yeux, les astres étaient des fenêtres vers l’âme immortelle de l’Empereur-Dieu.

Mais alors qu’ils étaient en train de discuter, les acolytes virent le drap couvrant pudiquement le cadavre sur lequel le médecin était en train de travailler glisser lentement, tandis que la forme s’animait. Des mouches et des moustiques innombrables se mirent à voleter frénétiquement dans les catacombes. Le trépassé se relevait, déversant le contenu de sa cage thoracique sur le sol dans un bruit de succion dégoûtant.

Ses mains décharnées se refermèrent sur le malheureux docteur, qui hurla de terreur, tandis que ses dents jaunies arrachaient sa gorge dans un geyser écarlate. Les acolytes brandirent leurs armes et firent feu sur la créature maudite. Un de ses bras tomba au sol, arraché par le shrapnel du fusil à pompe de Venria. Les autres tirs firent éclater ses organes, qui pendaient mollement de son abdomen entrouvert. Mais le mort-vivant se contenta de les regarder, un sourire peint sur son visage. Peint en sang frais, qui dégoulinait sur son menton et sa gorge…

Une de ses jambes fut arrachée à son tour par la violence des tirs. Il s’effondra, et se mit à ramper… Ses yeux mornes étaient fixés sur eux. D’une voix gutturale et chuintante, il parla.

- Je sais qui vous êtes. Il ne serait pas déraisonnable de travailler ensemble…

Un coup de fusil de Dakka lui explosa la tête dans une gerbe de sang noirâtre, de chair putréfiée et de matière cérébrale. Le Fedridien cracha sur le cadavre. Reste mort et fais pas chier !

Les moucherons se muèrent en cendres noirâtres, en poussière, avant de disparaître. L’autre médecin arriva en courant et hurla de terreur en voyant la scène. Il resta prostré dans un coin, alors que les serviteurs de l’Inquisition quittaient la morgue.

Partout où ils allaient, les morts avaient une fâcheuse tendance à vouloir se relever…

Le moulin abandonné se dressait encore, lugubre, au milieu des entrepôts déserts et éventrés par les boulets de canon. Ses quatre pales détériorées étaient immobiles, les membranes de tissu étripées, et crissaient faiblement… Les citadins avaient déserté cette zone trop proche du port pour se réfugier dans les hauteurs de la cité.

Les acolytes entrèrent dans la morgue du Mortus-Charonis, située dans un entrepôt, et se retrouvèrent nez-à-nez avec un homme de haute stature, au teint pâle, et arborant une larme de cristal rouge sur le front. Il était penché sur un lourd registre, qu’il ferma à leur entrée. Il n’avait pas sur lui le manteau noir de sa fonction, mais au contraire, était vêtu d’atours noirs aux dentelles délicates. Il n’avait pas l’apparence d’un prêtre, mais plutôt d’un intendant d’une riche lignée marchande…

Ainsi, le commerce des morts était rentable…

Deux servo-skulls vinrent bourdonner autour de sa tête, lorgnant de leurs orbites creuses, dans lesquelles étaient enchâssés des focales augmentiques, les nouveaux arrivants. Les yeux sombres de l’intendant pétillèrent d’une étrange excitation.

- Messieurs, Madame. Que puis-je pour vous ?

Les acolytes pouvaient entendre le bourdonnement de machines dans l’entrepôt. Des recycleurs d’air, des modules de refroidissement… Ces mercenaires avaient un équipement de pointe. Un servitor chromé poussant une palette antigrav passa à côté d’eux, avec un cadavre allongé dessus, avant de se diriger vers les chambres froides.

Constantine se tenait en retrait derrière ses compagnons, ses traits cachés sous un masque pour éviter que quiconque ne le reconnaisse. Mais même de là où il se trouvait, il pouvait ressentir l’étrange tension et la trépidation du scribe. Comme l’appétit d’un prédateur devant une délicieuse proie.

Venria s’avança.

- La curiosité, en grande partie. Nous sommes de retour depuis peu sur Acreage, suite au décès d’un proche, mais nous avons été étonnés de trouver la morgue vide. Nous avons été aiguillés vers vous…

Le sourire de l’intendant grandit encore un peu plus.

- Je comprends. Nous faisons partie du Mortus-Charonis, un ordre monastique qui offre ses services à ceux dans le besoin. Nous sillonnons le secteur pour aider à juguler les épidémies, qui ne manquent pas d’accabler la population des contrées en guerre, si l’office des morts n’est pas bien réalisé. Dans de nombreux cas, les autorités compétentes sont vite débordées. Nous les assistons.
- Contre paiement, j’imagine.
- En effet.
- J’ai entendu dire que vous aviez une bien curieuse manière de vous occuper des morts.
- Nous offrons nos services, mais dans le respect de nos croyances. Je sais que certains détracteurs considèrent que nous n’offrons pas les derniers sacrements adaptés. L’usage voudrait que nous les immolions, mais cela est néfaste pour la santé des vivants. Nous préférons les offrir au feu des astres, qui dans notre foi, sont les yeux de l’Empereur-Dieu. C’est un honneur immense de se voir ainsi offrir au feu primal…

Les acolytes demeurèrent un temps silencieux, digérant l’information. Une terrible prémonition vit le jour dans l’esprit de la Sororitas, qui demeure comme tétanisée.

- Vous recherchiez un proche, n’est-ce pas ? Peut-être pourrais-je vous renseigner ?
- Non, je suis sûre que vous lui avez accordé les onctions nécessaires. Votre professionnalisme est manifeste…

Les acolytes se détournèrent, tandis que le scribe souriait toujours.

Ils regagnèrent la taverne en hâte. Venria semblait inquiète, mais refusait obstinément de se livrer tant qu’ils n’étaient pas à l’abri. Ils ne firent pas attention au servo-skull qui planait au-dessus de leur tête à plusieurs mètres de hauteur…

Zek referma la porte et la verrouilla, tandis que Venria commençait déjà, paniquée, à leur faire part de ses suppositions. Coriolanus Vestra proclamait être le prophète de l’Astre Tyran, du soleil noir ! Et ces mercenaires-fossoyeurs, que faisaient-ils ? Ils livraient des cadavres au soleil du système. Cela ne pouvait être une coïncidence… Cela voulait aussi dire que quelque chose de sombre se préparait. Un rituel démoniaque ? Appelaient-ils l’Astre Tyran de cette manière ?

Dakka repensa à Mara et en eut des sueurs froides. Il revit l’astre en train d’être dévoré par la sphère noire, et se demanda s’il n’y avait pas de rapport… Mais il le garda pour lui, incapable de reparler de cette expérience traumatisante.

Zek secoua la tête. Il n’était pas convaincu par la thèse de Venria. Le Mortus-Charonis était un culte légitime, qui agissait dans de nombreux systèmes voisins. Et personne n’avait détecté de phénomène étrange jusque-là. Des cadavres envoyés dans un soleil ? Quel mal cela pouvait-il faire ?

Ragaana n’avait que trop conscience des éventualités. Les idées se bousculaient dans sa tête. Et le diable était précisément dans ces possibilités innombrables. Ils devaient avoir plus de détails, si rituel il y avait, pour définir clairement leurs intentions…

C’est alors qu’ils entendirent le bruissement ténu de moteurs… Dakka se posta à la fenêtre, pour voir ce qu’il se passait. Il vit trois transports de troupes aériens foncer droit vers eux, à pleine vitesse, depuis le nord-ouest. Un vacarme assourdissant déferla dans les rues, faisant trembler le verre des vitres, tandis que les batteries antiaériennes de la ville-forteresse ciblaient les intrus.

Elles se frayèrent un chemin entre les déflagrations, volant bas pour éviter les tirs et frôlant les toits. L’une d’elles se stabilisa au centre du port, et ses portes s’ouvrirent. Des hommes armés descendirent sur la place le long de cordes, alors que des passants hurlaient de terreur ou demeuraient cloués sur place, tétanisés par la peur. Pour la majorité d’entre eux, c’était la première fois qu’ils voyaient un vaisseau, et ils devaient leur apparaître tels des dragons de légende, vomissant des flammes bleutées depuis leurs réacteurs, comme des gueules incandescentes.

Les bateaux tanguèrent sous le souffle des réacteurs, et des vaguelettes concentriques fendirent les eaux de la baie. Le vent cinglait violemment les malheureux témoins de l’arrivée des vaisseaux, alors que les mercenaires se dispersaient pour encercler la taverne. Ils savaient où ils étaient !

Constantine reconnaissait leurs uniformes. Gainés de cuir renforcé de plaques de céramite, arborant des respirateurs et des lunettes de vision qui couvraient l’intégralité de leur visage, brandissant des armes sophistiquées et des pistolets à aiguilles sûrement chargés de produits soporifiques…

Les mêmes hommes qui les avaient attaqués quelques heures plus tôt…

Les deux autres transporteurs passèrent au-dessus de la taverne, et les vitres, les murs, le sol, le plafond vibrèrent. Les acolytes empoignèrent leurs armes en hâte afin de déguerpir. Déjà, des hommes de la milice se précipitaient sur la place, accompagnés de géants mécaniques pour faire face à l’intrusion. Les tirs résonnèrent… Constantine se précipita dans les escaliers, dévalant les marches, heurtant les murs dans sa précipitation.

C’est alors qu’ils enfoncèrent la porte de la taverne.

mardi 24 novembre 2009

DARK HERESY – MAGGOTS IN THE MEAT : RESUME, PART.3



Les acolytes sont discrètement raccompagnés à Regalia. Constantine semble soucieux tout au long du périple, mais préfère demeurer silencieux. Tout à leurs pensées, ils ne s’aperçoivent pas qu’une silhouette est en train de les observer depuis le port… Celle-ci les regarde monter dans leur navire, avant de se détourner.

Ce n’est qu’une fois en sécurité sur l’Iron Duke et durant l’absence de Zek qu’il fait part à ses compagnons de ses découvertes, et de son souhait d’aider les insurgés tout en restant dans le cadre de leur mission.

Mais les autres acolytes sont prêts à aller plus loin. Pourquoi ne pas se débarrasser d’Orcan ? Constantine a une dette de sang à collecter, et presque tous s’accordent à dire qu’il ne faut pas laisser les choses inachevées. Surpris mais encouragé, Constantine se met à réfléchir aux possibilités. Il ne souhaite pas dévier de leur mission. C’est elle qui passe avant tout… Mais s’il y avait un moyen de le discréditer, de l’accuser de trahison…

Les autres ne se montrent pas aussi délicats. Il est toujours possible de le défier par les armes ou l’assassiner. Ils disposent de l’autorité de l’Inquisition. Nul ne viendrait questionner leur acte. Venria et Ragaana semblent favorables à cette idée. Dakka est le seul à être résolument contre, mais il ne les laissera pas tomber pour autant. La piste de la corruption de l’Archevêque Varinius est prometteuse, et l’Empereur-Dieu sait qu’ils ont une dent contre le Ministorum… Mais au gré de la discussion, alors qu’ils digressent vers les actes unilatéraux et condamnables de l’Ecclésiarchie, la voix d’Horus s’impose à l’esprit de Ragaana.

Si vous faites cela, vous vous abaisserez aux mêmes bassesses que le clergé. Si vous intervenez et faites preuve d’ingérence, vos actions ne vaudront pas mieux que celles que vous condamnez…

Ragaana serre la mâchoire. Il sait que ces paroles viennent d’un esprit corrompu, mais elles sont sages, il doit l’admettre. Il se tourne vers Constantine.

- Hé, Constantine-là, j’pense qu’en fait que Dakka il a raison, hein. C’est pas bien si on agit là.

Constantine toise Ragaana, se demandant pourquoi il a si vite changé d’avis. Mais il se rend vite compte qu’il a raison. Un sourire désabusé se peint sur son visage. Qu’il était facile de basculer à nouveau… Oui, Ragaana avait raison. Il ne fallait pas se laisser distraire de leur véritable objectif.

Entretemps, Zek fait un rapport à Ark-Ashtyn, et demande à faire exécuter un faux de l’Hereticus Tenebrae Propheticum, avec des passages totalement inventés. Ils n’ont décelé aucune activité de culte significative. Cela veut peut-être dire que Vestra est ici pour autre chose. Peut-être a-t-il trouvé la trace d’autres fragments du Requiem de Jaeger Sebastus Black ?

L’Iron Duke appareillera au matin pour remonter le Canal de l’Aquila vers Olrankan. Les acolytes se séparent donc pour continuer d’enquêter à Regalia, afin de ne négliger aucune piste, même s’ils se doutent que Coriolanus Vestra ne s’est nullement attardé en ce lieu.

Alors qu’ils interrogent les sentinelles ayant officié à la surveillance des portes de la ville, un émissaire vient trouver Dakka et Ragaana. Il se présente comme un envoyé d’Orcan, qui les invite à se rendre à son palais. Les deux acolytes acceptent.

Ils sont amenés dans une clairière, à plus d’une heure de Regalia. Un vaisseau les y attend pour les amener à Olrankan. Entourés de gardes vêtus d’armures de plates mais arborant des fusils laser, ils sont escortés depuis le spatioport du palais jusque dans les appartements du Régent.

Orcan les y attend devant une grande carte d’Acreage. Y sont dessinés les Duchés d’Ascandia, mais aussi les Royaumes d’Orient, jusqu’en Evaness. Le Régent vient les accueillir chaleureusement, et leur demande la raison de leur venue en Ascandia. Doit-il s’inquiéter ? Ont-ils besoin d’aide ? Il leur donne un mandat impérial leur permettant de disposer de toute latitude pour leur mission. Mais cette générosité n’est pas totalement dénuée d’intérêt. Rapidement, il devient clair qu’il tente de les convaincre de lui rendre un petit service. Il souhaite les aiguiller sur une hérésie manifeste : en Evaness subsistent des coutumes animistes qui incitent la population à vénérer et idolâtrer des ‘forces de la nature’, la fertilité, la mort, le ciel, la terre, sous forme d’icones. Il serait bien sûr disposé à les assister dans l’éradication de ces pratiques déviantes…

Dakka et Ragaana le remercient de sa diligence, tout en notant qu’ils sont dans une position idéale pour l’éliminer. Mais ils se contentent de prendre congé de lui et de regagner Regalia. Ils sont fiers d’eux. Ils ont une autorisation pour enquêter de la part des forces de police, et dans les cas extrêmes, un mandat signé par le Régent leur permettant même de réquisitionner des forces armées…

Au matin, l’Iron Duke quitte le port et s’engage dans le Canal de l’Aquila qui relie la Mer des Brumes à la Mer des Cendres. Les acolytes regardent les falaises les toiser de toute leur hauteur. Les parois ont été façonnées par les hommes, et les légendes disent que c’est l’Empereur-Dieu qui aurait scindé la terre pour relier les deux mers et apporter Sa lumière aux peuples d’Ascandia. Riles Lytir leur révèle que le caractère sacré de cette brèche empêche les belligérants de combattre à proximité, et nul n’aurait la folie de souiller cette œuvre divine.

A la mi-journée, ils jettent l’ancre dans une crique, et Lytir leur annonce que c’est là qu’il a laissé les personnes que ses hôtes recherchent. La crique artificielle a été spécialement conçue pour permettre aux navires de se croiser. Ils en ont vu de manière régulière tout le long de la voie fluviale. Une berge de pierre a été érigée, comme un quai, et un escalier tortueux menant en haut de la falaise a été construit dans la roche. Le capitaine leur dit qu’ils ont déchargé leurs caisses, et que des hommes les ont emmenées en haut. Mais il ne sait rien de plus…

Les acolytes demandent au capitaine de l’Iron Duke de les attendre, et gravissent les marches. Ils découvrent un paysage champêtre. Des champs, entourés de bois touffus, quelques chaumières… Si des hommes sont passés par là, les paysans ont sûrement dû voir quelque chose.

Ils remarquent un paysan qui cultive son champ. Ce dernier les regarde arriver avec appréhension et se cramponne à sa faux. Les acolytes le questionnent : a-t-il vu des individus monter des caisses depuis la crique ? Il nie, mais ils se rendent vite compte qu’il ment. Ils se font plus menaçants. Sa ferme est en face de l’accès. Il n’a pas pu ne pas les voir. Alors qu’ils sortent leurs armes, le fermier lâche sa faux et se prosterne. Oui, les caisses ont été amenées au village, à quelques kilomètres d’ici. Elles ont été livrées à un certain Herel, le fils du forgeron…

Les acolytes vont trouver ce fameux Herel. Après une brève altercation, ils l’interrogent. Il a une cache d’armes sous sa forge, et il alimente les rebelles. Son père a été tué par les Angelus, et il mène la résistance locale. Des armes lui sont livrées de la sorte pour encourager ses efforts de guerre… Il ne sait rien de Vestra, simplement qu’un autre navire est venu les chercher pour les emmener vers le nord.

Constantine se montre compréhensif. Sa propre mère a été violée et tuée par Balian Angelus… Il le laisse partir. Mais la nouvelle est terrible. Coriolanus Vestra est en lice avec les hors-monde qui fournissent à Rabast, et à travers lui, aux insurgés, des armes et des provisions…

Ils continuent leur voyage. Les eaux sombres du canal deviennent boueuses, tandis qu’il s’évase petit à petit. Ils entrent dans la partie marécageuse de la Mer des Cendres, avec ses brumes âcres et l’odeur de la décomposition. Alors que le ciel s’assombrit, Olrankan se dévoile à eux. Constantine serre les dents en voyant la cité. Hideuse, infâme…

Là aussi, la guerre a prélevé son tribut. Des maisons ont été détruites par les tirs de canons. Des murs gisent brisés sur le sol. Des quartiers entiers semblent avoir été la proie des flammes et fument encore malgré la pluie… Et l’eau est noire : les cendres charriées par les rigoles, les égouts et les caniveaux se déversent dans le port. La ville empeste. Des cadavres sont entassés le long des grèves par les silhouettes encapuchonnées des mêmes prêtres Void Born qu’ils ont vus à l’astroport.

Pour l’heure, il semble que la flotte d’Orcan a réussi à repousser un nouvel assaut maritime des renégats. Un calme désabusé enveloppe la ville. Une torpeur faite de peur, de mort, de souffrance… Tous savent que ce répit ne sera que de courte durée…

Alors qu’ils accostent, les cloches résonnent dans la ville, qui se vide en quelques instants. Les volets se ferment, les passants se hâtent… Une patrouille intime aux acolytes de se presser de déguerpir. Il semble qu’un couvre-feu ait été instauré dans la capitale. Ils gagnent une auberge et s’y installent pour la nuit, regardant les rondes fréquentes des gardes depuis leur fenêtre. Ils parviennent ainsi à apercevoir les fameux Géants de Fer d’Orcan, de massifs golems mécaniques façonnés de manière grossière, à demi rouillés à cause de l’humidité ambiante, et qui errent dans les rues en quête d’infractions et de potentiels contrevenants, prêts à faire feu à la moindre menace. Seuls les prêtres Void Born semblent autorisés à officier malgré le couvre-feu.

D’après le tavernier, les nobles sont à cran. Il y a des disparitions inexpliquées, qu’on dit. Certains hauts dignitaires se sont volatilisés sans laisser de trace, et tous craignent pour leur vie. Il révèle aussi aux acolytes qu’Orcan a permis à des prêtres venant de très loin de s’occuper des nombreux morts causés par la guerre. Des sortes de mercenaires-fossoyeurs, qui se chargent des cadavres, et évitent que la maladie ne se propage. Des étrangers, qu’on paie pour cette besogne. La grogne est manifeste : ils ne brûlent pas les corps, comme l’exige la coutume, mais les emmènent on ne sait où. On murmure même qu’ils les mangent…

Avant de se coucher, les acolytes se mettent d’accord pour cacher la présence de Constantine aux autorités et ébruiter leurs interventions le moins possible. Attirer l’attention serait dommageable pour leur investigation.

La nuit est bien avancée lorsque Constantine est réveillé par des bruits ténus dans le couloir. Soudain, la porte de sa chambrée est enfoncée, et des soldats masqués entrent, pointant vers lui des pistolets à aiguilles. Il parvient à se cacher derrière son lit et entend les ergots siffler et se ficher dans le matelas. Il appelle à l’aide.

Le combat est confus. Les acolytes luttent contre une dizaine d’hommes résolus et bien équipés. Des mercenaires vraisemblablement hors-monde. S’ils utilisent des aiguilles face à Constantine, ils ne font pas preuve de retenue vis-à-vis des autres. Pourquoi le veulent-ils vivant ?

Les pensées de Constantine se bousculent dans son esprit. Orcan aurait-il découvert sa présence ? Non, il chercherait à le tuer et non le capturer. Qui plus est, aurait-il le cran de s’en prendre à des acolytes de l’Inquisition ? Serait-ce Vestra ? Mais dans ce cas, pourquoi le vouloir vivant ?

Les acolytes se débarrassent difficilement des stipendiés. Dans le tumulte, ils sont séparés, et fuient en entendant la garde approcher. Blessés, Venria et Dakka cherchent à se cacher. Un homme leur ouvre la porte et les presse de rentrer. Constantine et Ragaana se dissimulent dans les égouts. Tous deux se fraient un chemin vers le bas de la ville. Vers le port, dans l’espoir de regagner l’Iron Duke.

L’homme cache Venria et Dakka dans son cellier, derrière un établi. Il dit que tous les ennemis d’Orcan sont ses amis, et remonte. Ils entendent la milice, la fameuse Garde Palatine, fouiller les maisons une par une. Ils ne font pas dans la demi-mesure, et maltraitent les habitants sans vergogne. Leur sauveur est lui aussi violemment battu pour avoir répondu trop lentement à leurs semonces. Des gardes descendent dans la cave, mais ne remarquent pas la pièce secrète. Exaspérés par leurs recherches infructueuses, ils décident de mettre le feu à toutes les maisonnées avoisinantes. Si personne n’a rien vu, c’est qu’ils sont tous complices !

Venria et Dakka entendent de l’huile être versée sur le plancher, juste au-dessus de leurs têtes. Le liquide coule à travers les interstices. Ils tentent de forcer la porte de leur cachette, mais impossible, des barils de vin obstruent le passage. Avec leurs armes, ils font sauter le verrou et percent les barils pour alléger le poids des tonneaux, tandis que les flammes et la fumée se disséminent dans la bâtisse. Mais ils ont perdu beaucoup de temps, et le feu s’est répandu à une vitesse terrible.

Des poutrelles de bois enflammées tombent, les murs embrasés craquent et s’effondrent. Ils découvrent le corps de leur bienfaiteur consumé par les flammes ardentes. Mais ils n’ont pas le temps de s’apitoyer, ni de maudire les actes barbares de la Garde Palatine. Ils parviennent à sortir dans la ruelle arrière, esquivant les bouts de charpente carbonisée qui s’abattent tout autour d’eux, toussant furieusement, leurs poumons en feu.

Malheureusement, la garde s’était répartie pour repérer d’éventuels fuyards. Un milicien les voit sortir et s’apprête à hurler. Mais une lame apparaît au niveau de sa gorge et trace un sillon écarlate sur son cou. L’homme s’effondre en se noyant dans son propre sang. Zek se tient derrière lui.

Ils gagnent tous les trois les égouts putrides, et filent vers le port. Ils y retrouvent Ragaana et Constantine, qui se sont cachés un bon moment dans une barque recouverte d’une bâche pour échapper à la vigilance de la milice. Mais ils sont tous gravement blessés.

Ragaana invoque la clémence de l’Empereur-Dieu pour les guérir, mais ses pouvoirs échappent à son contrôle. Les foudres du Warp se déchaînent, tandis que pendant un court instant, la gravité s’inverse… L’eau, les bateaux, les caisses… tout chute brusquement vers le ciel sur une centaine de mètres alentour, avant de retomber avec fracas.

L’eau qui s’est surélevée se déverse sur les acolytes, qui sont aspirés par la masse liquide alors qu’elle retombe. Ils ne savent plus où est le haut et le bas… et sont en train de se noyer. Certains trouvent enfin la surface, et aident les autres, haletants, à remonter sur les pontons…

Dans tout ce capharnaüm, les acolytes passent inaperçus, tandis que de nombreux spectateurs horrifiés se pressent sur le port dévasté. Des murmures parcourent déjà l’assistance : le Horloc ! C’était le Horloc !

Des bateaux gisent à moitié sur les quais, d’autres sont enchevêtrés. Alors qu’ils regagnent l’Iron Duke, ils découvrent que celui-ci est aussi en sale état. Sa coque a été percée, et Lytir fulmine, même s’il est encore sous le choc de ce qui vient de se passer. Son navire nécessite des semaines de réparation…

Les acolytes trouvent refuge dans une auberge du port, et pansent leurs blessures. Tout le monde est trop choqué pour leur prêter la moindre attention… Ils sont soudain las, et la fatigue d’une nuit trop courte se fait sentir. Ils ont pu avoir un avant-goût du règne de terreur d’Orcan, c’est un fait. Mais plus que tout, une question les ronge. Qui étaient ces mercenaires ? Et que voulaient-ils à Constantine ?

lundi 23 novembre 2009

DARK HERESY – MAGGOTS IN THE MEAT : RESUME, PART.2




Constantine se passa une main sur le visage, accablé. Seulement un jour sur Acreage, et voilà qu’il était déjà hanté par les démons du passé. Il n’aurait jamais dû revenir. Il ouvrit une antique commode, en retira un décanteur de vin et s’en versa une rasade. Il regarda le liquide pourpre tournoyer dans son verre, huma son arôme… Du Rasteau Strynn de Pont-de-Cêdre Vieille Vigne semblait-il…

Il entendit derrière lui le plancher craquer sourdement, se retourna. Venria l’observait sans mot dire. Il soupira devant son expression grave et inquiète.

- Peut-on lui faire confiance ?
- A Corvus ? Ce flibustier ? Bien sûr que non… Peut-être. Je n’en sais rien.
- Il serait sage de ne pas répondre à cette invitation.
- Je sais.
- Mais tu comptes tout de même y aller ?
- Je le crains.
- Très bien.

La Sororitas se détourna, le laissant seul face à ses craintes. Le pont brimbalait doucement sous ses pieds, et sa main se crispa sur son verre. Pas très avisé, en effet. Mais inévitable…

Corvus et lui avaient parlé de longues heures. Le forban lui avait raconté comment il avait survécu, sa fuite et sa convalescence, le siège de la baronnie Falatrish par les troupes d’Angelus. Constantine ne put réprimer un sentiment de culpabilité, pour l’avoir abandonné de la sorte. Pour tous les avoir abandonnés. Mais le corsaire, qui avait perçu son trouble, posa une main sur son épaule, en lui disant que ce n’était pas sa faute si leur plan avait échoué. Corvus lui raconta l’annexion des terres Tantalig par l’Hégémonie, le siège éprouvant de Lyras et l’anoblissement des Fern. Désormais, les Tantalig vivaient en exil, dans la honte et la déchéance, au crochet de l’hospitalité des Baliel. Rhozena avait dû faire face à un schisme au sein des Maisons mineures qui avaient jusque-là été loyales à la Maison Niceus. Baras Gurst prêta allégeance à Rhozeia et Orcan lui confia la charge de gouverner Regalia.

Mais l’insurrection n’avait jamais été aussi forte. Les décisions d’Orcan avaient provoqué l’ire de la noblesse. Sentant que l’animosité à son égard ne faisait que croître, il avait anobli des serfs pour constituer et consolider la loyauté de son entourage proche. Les Maisons Pronteus, Vizeris et Tumstel, renommée Gordanus, étaient nées. Un ancien forgeron, un paysan et un marchand devenus les égaux des nobles de sang pur ? C’était un terrible affront. De même, il avait libéré les criminels incarcérés à Regalia en leur donnant un choix : le servir ou mourir. Peu refusèrent, et ces scélérats devinrent sa Garde Palatine. Une horde de mécréants sans foi ni loi, qui ne recule devant aucun vice pour garantir le pouvoir d’Orcan, et par extension, leur vie et leur fortune…

Pour asseoir une bonne fois pour toutes son pouvoir, et préparer sa place de Gouverneur planétaire, il introduisit à grande échelle la technologie sur Ascandia, et l’offrit gracieusement à quelques paysans et artisans méritants en récompense. Des machines agronomiques pour accroître la productivité des exploitations agricoles, des outils mécaniques pour augmenter le rendement des forges… Des dons de nature divine à n’en pas douter, mais aussi terrifiants aux yeux du peuple ignorant. Avec l’accord de l’Archevêque, les prêcheurs engagés par Orcan disséminèrent partout qu’il était d’extraction divine, l’élu et le représentant de l’Empereur-Dieu sur Acreage. Et pour balayer toute envie de révolte, il lâcha dans les rues ses Géants de Fer. Des colosses antiques et rouillés chargés de faire respecter le couvre-feu et maintenir l’ordre à Olrankan.

Même s’il conservait l’appui des Maisons Comnerius, Angelus et Merrywood, de même que celui des Fern et des Gurst, le reste de la noblesse s’était allié en une coalition forte pour se dresser face à son règne de terreur. Les Baliel, Tantalig, Rabast, Strynn, Saltigar et Falatrish avaient désormais les moyens de lutter par les armes. Bien sûr, Evalia et Beltamyr, tout comme les lointaines Abitan et Nunka, restaient neutres. Mais le bras de fer entre Rhozena et Rhozeia était désormais un jeu à armes égales.

Et le silence des autorités impériales ne faisait que les conforter dans leurs revendications…

Constantine ressassa longuement ces paroles. Ainsi, Orcan n’était toujours pas confirmé dans ses fonctions de Gouverneur planétaire… Intéressant, et très surprenant. Après l’échec de sa tentative de coup d’état, il s’attendait à ce que Rhozeia soit nommée Haute-Reine d’Ascandia dans les plus brefs délais, et qu’Orcan hérite de la gouvernance. Mais il semblait que la réponse de l’Administratum ait été des plus fâcheuses : Rhoze. Rhoze est l’héritière du trône…

Constantine ne put réprimer un rire en imaginant la fureur d’Orcan. Ainsi, le doute demeurait. Rhozeia ou Rhozena… Cette bourde ubuesque de l’Administratum avait engendré une guerre totale en Ascandia. La Guerre des Rhoze, l’appelait-on déjà. La situation était telle que les deux sœurs avaient des prétentions égales pour le trône. Les autorités impériales ne pouvaient vraiment prendre parti, sans directive de leur hiérarchie… La guerre était donc légitime, et échappait à la tutelle de l’Imperium. Absurde. Ou bien était-ce délibéré ?

Comme l’avait promis Corvus en quittant l’Iron Duke, un frêle esquif vint les aborder au matin. Un bateau de pêche, chargé de les emmener hors de vue des sentinelles de Regalia. Après qu’ils aient demandé au capitaine de décaler leur traversée, le pêcheur taciturne et bougon emmena les acolytes vers une crique en voguant entre les caravelles et les frégates de la flotte insurgée. Là, un galion flamboyant les attendait pour les mener au-delà des côtes du Cibré, vers la baronnie Valentur.

L’équipage du galion était talentueux, et le vent favorable. Le capitaine leur témoigna le plus grand respect, et il leur offrit, avec un mélange de déférence et de courtoisie, de quoi se sustenter pour la matinée. Il les rassura aussi concernant leur voyage. Les rives du Cibré étaient sous contrôle, rien de fâcheux n’arriverait durant leur excursion. Ils virent rapidement se dresser devant eux un somptueux manoir, perdu dans une dense forêt de conifères. Un ancien séjour des Angelus, désormais flanqué des étendards Falatrish et Niceus, semblait-il.

Des gardes brandissant de hautes hallebardes arborant un fanion aux couleurs des Niceus vinrent pour les escorter à leur descente de la barque d’accostage. Ils passèrent à travers de somptueux jardins, en silence, entourés par des hommes en armure de plates complètes aux visières baissées. Des corbeaux croassaient dans les cimes, et le fin gravier crissait sous les bottes des soldats. Et il sembla un instant à Constantine qu’il marchait vers l’échafaud.

Les lourdes portes du manoir, ornées de manière rutilante, s’ouvrirent devant eux, révélant d’autres gardes au garde-à-vous, se tenant immobiles dans la pénombre du hall d’accueil. Constantine eut le déplaisir de reconnaître certains visages. Des visages plein de morgue et de reproche. Teridan Sheeve et Palladius Antar, les deux chevaliers servants de Rhozena, qui n’avaient pas apprécié qu’il mette la prétendante en danger, et ne lui pardonneraient probablement jamais…

Les deux paladins invitèrent Constantine et son cortège à les suivre. Sheeve était aussi laconique qu’à son habitude, mais Antar se rapprocha de Narsès.

- Je vous avertis, mon Seigneur. Il ne serait pas prudent d’exposer une nouvelle fois la vie de Dame Rhozena à des périls et des risques inconsidérés. Si jamais il lui arrivait malheur par votre faute, mon courroux serait terrible.
- Ce n’est nullement mon intention, chevalier.

Alors qu’ils arrivaient en haut du grand escalier, des laquais ouvrirent grand les portes de la salle de réception. Sheeve et Antar restèrent à l’extérieur, prenant soin de regarder Constantine droit dans les yeux. Leur rancune était tenace. Pouvait-il les en blâmer ? Il était le fils du meurtrier de leur seigneur et roi…

Constantine traversa la salle cérémonielle de manière solennelle, réprimant ses appréhensions. Ils étaient tous là à l’attendre. Rigorus Tilt, son précepteur, lui adressa un discret signe de la tête. Des cernes s’étaient creusés sous ses yeux, et il semblait plus grave, comme résigné... Malissandre Falatrish, sa chevelure rousse aussi flamboyante que par le passé, lui souriait avec affection. Des rides étaient apparues au coin de ses yeux, mais son regard était toujours aussi pétillant et malicieux. A ses côtés, Aurelius Dascaros, son garde du corps personnel, et Corvus. Il vit aussi Dukatis Clayne, celui que l’on nommait autrefois le Lion d’Ascandia. Le vieil homme n’était plus que l’ombre de lui-même, mais il y avait un feu sombre dans ses yeux, dardés sur lui… Oui, Constantine savait. C’était à cause de lui que sa fille unique était morte. Il ne le savait que trop bien.

Rhozena était aussi splendide que dans ses souvenirs. Ses longs cheveux noirs étaient tressés de part et d’autre de son visage, et ses yeux noirs étaient aussi profonds que la nuit. Sa peau de porcelaine contrastait avec sa splendide robe rouge et or, et une fine couronne encerclait sa tête. Il lui adressa un sourire, et crut pendant un instant déceler de la nostalgie ou du regret sur son visage.

A ses côtés se tenait un homme qu’il ne connaissait pas. Un prêtre d’une quarantaine d’années qui le regardait avec attention, jouant avec un chapelet terminé par un Aquila doré. Il était vêtu de manière sobre, mais sa fonction était claire. Un confesseur attitré. Constantine sentit une pointe de tristesse et d’amertume. Le confesseur Sattaran était donc mort… Jamais il ne pourrait le remercier.

Constantine posa un genou à terre et s’inclina respectueusement.

- Constantine Narsès. Ainsi, mes prières sont exaucées. C’est une joie de te revoir, vivant et en bonne santé. Bienvenue. Bienvenue à vous tous. Veuillez accepter notre hospitalité et notre amitié.
- Cette joie est partagée, Dame Rhozena.
- Je vous en prie, mon ami, relevez-vous.

Constantine leva la tête. Ils se regardèrent ainsi longuement. Le prêtre fit un pas en avant, brisant cet échange plein de paroles silencieuses et de non-dits.

- Permettez-moi de me présenter. Je suis Anthemius, le nouveau confesseur de Dame Rhozena.
- Mon père…

Constantine s’inclina respectueusement.

- Qu’est-il advenu de Père Sattaran ? J’aurais aimé lui témoigner ma reconnaissance.
- Malheureusement, le vénérable confesseur Sattaran est mort de grand âge il y a de cela quelques années, après une vie de piété exemplaire. J’ai été chargé de lui succéder, et j’espère pouvoir faire honneur à sa sagesse. Auprès de Dame Rhozena. Nous prierons ensemble l’Empereur-Dieu, si vous le souhaitez…
- Ce sera avec joie.

La baronne Falatrish se leva à son tour de son siège et vint étreindre Constantine. Elle le dévisaga, espiègle, comme à son habitude.

- Je suis heureuse de te retrouver, mon neveu. J’ai tant prié pour ton salut. L’Empereur-Dieu a entendu mes prières…

Constantine ne put réprimer un sourire. Malissandre n’avait jamais été très dévote, et ils le savaient tous deux. Corvus grimaça lui aussi, gloussant légèrement.

- Mais je manque à tous mes devoirs. Vous devez être fourbus de votre voyage. Des domestiques vous conduiront dans vos chambrées pour que vous puissiez vous détendre, et peut-être nous rejoindrez-vous pour un frugal repas ?

Venria jeta un œil en direction de Constantine, qui lui fit un bref signe de tête. Tout ira bien. Des valets vinrent délester les compagnons de Constantine et les guidèrent vers la porte. Malissandre regarda la Sororitas partir, perplexe et songeuse…

- Ton retour est aussi plaisant qu’inattendu, mon enfant. J’ai entendu dire que tu avais été incarcéré.
- J’ai connu les pires geôles de l’Empereur, baronne.
- Voyons, pas de cela avec moi.

Rigorus vint lui serrer la main chaudement.

- Constantine. Il n’y a pas de mots pour décrire mon soulagement.
- Je suis heureux de te revoir, mon ami.

Son ancien précepteur le guida vers une pièce attenante, précédé par Rhozena et son confesseur. Du coin de l’œil, Constantine vit Dukatis les suivre en maugréant. Corvus et Dascaros, sur un signe de Malissandre, restèrent à l’entrée.

Rhozena s’assit sur un fauteuil de velours, toujours avec Anthemius à ses côtés. Malissandre prit place à côté de Tilt, qui versa du vin dans de précieux verres à pied pour l’assemblée. La baronne scruta Constantine fixement, comme pour lire en lui

- J’ai été surprise lorsque Corvus m’a appris ton retour. Je n’aurais jamais pensé que tu reviendrais. Ou que tu aurais voulu revenir.

Rhozena demeurait silencieuse. Constantine remarqua que ses doigts s’étaient légèrement crispés sur ses accoudoirs.

- Je ne suis pas venu ici pour faire à nouveau valoir mes prétentions au trône. J’en ai fait le deuil il y a de nombreuses années. Les prisons impériales vous forcent à relativiser, je suppose.

Rhozena regarda timidement dans sa direction.

- Tu n’es donc plus ici pour la vengeance ?
- Non, ma Dame.

Il y avait une question dans son regard, un espoir, peut-être…

- Je suis ici sous une autre autorité. Celle de la Sainte Inquisition. Pour traquer un hérétique qui aurait trouvé refuge sur cette planète. Il n’est plus dans mes prérogatives de m’immiscer dans les affaires d’Ascandia. Et ce n’est pas mon souhait.

Malissandre haussa un sourcil, visiblement intriguée.

- Un servant de l’Inquisition… Intéressant. Et cela explique des choses.
- Que veux-tu dire ?
- J’ai cherché à m’informer sur ton sort après ta capture, et découvert qu’un prêtre du Ministorum était intervenu en personne pour te sauver. Un simple prêtre, mais qui avait forcé Varinius à se prononcer contre ton exécution. Orcan a tout tenté pour le faire changer d’avis, mais en vain. Comme s’il avait reçu des ordres… Peut-être était-ce un inquisiteur ? Nous ne le saurons peut-être jamais, mais cela expliquerait cette histoire.

Constantine restait dubitatif. Cela lui semblait plus qu’improbable… Rhozena se contenta de sourire tristement. Derrière elle, Anthemius semblait soudain nerveux.

- Je vois.
- Je ne peux vous aider…
- Nous n’avons pas besoin de ton aide.

Dukatis se tenait debout derrière lui, adossé contre le mur. Ses yeux froids le fustigeaient, et la haine déformait ses traits.

- Nous n’avons pas besoin de ton aide. Pendant des années, nous nous sommes battus. Sans toi. Tu es venu ici la dernière fois comme l’enfant prodigue, et qu’as-tu amené ? La mort. Orcan a failli nous détruire complètement ce jour-là. Combien de braves sont morts à cause de cette mascarade ?
- Dukatis !

Rhozena le dévisagea avec détermination. Le vieil homme serra les dents.

- Non, Rhozena. Il dit vrai. Beaucoup sont morts par ma faute. Et je sais que Jadea faisait partie des victimes…
- Je n’aurais jamais dû laisser ma fille t’accompagner !

Constantine pouvait ressentir sa colère, mais aussi son propre sentiment de culpabilité.

- J’en assume toute la responsabilité. Je ne vous ferai pas l’affront de vous demander votre pardon, et rien ne pourra la ramener, je ne le sais que trop bien. Mais je vous présente mes excuses pour cette folie que j’ai commise.
- Ce n’était nullement de la folie, mon enfant. Quelque chose devait être fait. Nous avons failli, et la douleur et le chagrin sont le prix à payer de l’échec, Dukatis.

Malissandre toisa Clayne un long moment. Rhozena se leva et marcha jusqu’au vieux guerrier, posa une main sur son bras.

- Jadea était mon amie, ma confidente, et à bien des égards, la sœur que je n’avais jamais eue. S’il y a quelqu’un à blâmer, c’est moi, Dukatis.
- Ma reine, je n’aurais jamais l’impudence de penser une telle chose.
- Alors faites taire votre colère, Dukatis. Nous vivrons avec ces remords toute notre vie. Tous ici portent déjà ce fardeau. Mais nous devons penser à l’avenir d’Acreage…

Rigorus Tilt soupira longuement, les yeux perdus dans le vague.

- Et mettre un terme au règne d’Orcan.

Constantine sentit l’amertume et la lassitude dans la voix de son ancien précepteur.

- Je ferai ce que je pourrais.

Malissandre secoua la tête.

- Que peux-tu faire ?
- Je sers l’Inquisition. Orcan n’est pas à l’abri d’une enquête…
- Orcan a l’appui de l’Ecclésiarchie. Il paie Varinius avec largesse pour être dans ses bonnes grâces. Et pour qu’il ferme les yeux…
- S’il y a corruption, ni lui ni Varinius n’en sortiront indemnes.
- Et comment veux-tu prouver cela ? Orcan lui reverse des dîmes. C’est son droit. Et celui de Varinius de les accepter. Cela soulignera simplement sa générosité et sa piété…

Rhozena toisa Constantine. Lorsqu’elle parla, sa voix est dure, implacable, acide.

- L’aide ne viendra pas de l’Imperium. Tout ce qu’il veut, c’est collecter des taxes. Prendre, prendre encore, jusqu’à ce que nous soyons exsangues. Alors nous n’aurons plus aucune valeur à ses yeux, et il nous tournera le dos. Déjà, des tractations secrètes ont lieu entre l’Administratum et Evaness. Nous le savons. Maintenant que les gisements d’Electrogyre ont été découverts, les impériaux n’ont plus d’intérêt à ce que qu’Ascandia reste la plateforme d’échange avec l’Imperium. Et tant mieux !
- Mon enfant, ne soyez pas si dure…
- Nous en avons discuté, mon père. Grâce à vous, j’ai ouvert les yeux…

Anthemius regarda brièvement Constantine du coin de l’œil, avec anxiété. Rhozena ne semblait pas vouloir se calmer.

- Nous leur versons des sommes faramineuses et vivons dans la famine. Pour quelle raison ? Leur protection ? Cette guerre a été causée par l’Imperium ! Pensez-vous que je sois naïve ? Rhoze ? Cette réponse a été envoyée de manière délibérée, pour plonger Ascandia dans le chaos ! Ils veulent notre ruine et se fichent éperdument de notre sort ! Alors pourquoi me prosternerais-je au pied d’un maître qui ne nous souhaite que du mal ? Pourquoi ?
- L’être humain est faillible… Ce que souhaite certainement dire Dame Rhozena, c’est que certaines instances locales de l’Imperium sont manifestement, et malheureusement, sous le joug de certains hommes de peu de scrupules... Faillibles, et qui sans s’en rendre compte, entachent ce qu’ils sont censés représenter.

Dukatis renifla son mépris.

- L’Imperium ne nous a pas offert son aide. C’est seulement grâce aux alliances de Rabast que nous avons pu tenir, aussi abjectes qu’elles puissent être !

Malissandre le fustigea du regard. Clayne s’empourpra, comme en se rendant compte qu’il en avait trop dit. Constantine se tourna vers lui.

- Que voulez-vous dire, Seigneur Clayne ?
- Nous avons eu besoin d’armes, d’approvisionnement… pour lutter à armes égales avec Orcan. Nous avons donc contracté des alliances avec des sources… Hors-mondes.

Constantine se rappelait de l’animosité de Dukatis contre les personnes extérieures à Acreage. Il avait lui-même été l’objet de ces suspicions. Il passa donc outre cette remarque, l’attribuant à la honte d’être aidé par des organisations hors-mondes, pour se concentrer sur le prêtre…

Les mots du prêtre avaient été dits sur un ton neutre, mais Constantine y avait décelé certaines inflexions d’autorité, qui demandaient à Rhozena de se réfréner. Il dévisagea le confesseur…

- Et que pensez-vous de tout cela, mon père ?
- Que la valeur des institutions humaines se reflète avant tout par la valeur des hommes qui les dirigent. Que certaines institutions ont perdu de vue leur vocation, et se complaisent dans la puissance qui émane de leur charge. Je ne me réfère à aucune en particulier, et je suis le premier à remettre en question la mienne en priorité. L’orgueil, l’avarice, la vanité… Le Ministorum est affligé de ces maux. Et je pense que nous devons œuvrer. Que tous les citoyens de l’Imperium doivent œuvrer pour le rendre meilleur…
- Et que préconisez-vous ?
- Des individus tels que Varinius ne luttent que pour assurer leur propre pouvoir, alors que la vocation première d’un homme d’église est de propager et de défendre la foi. La foi est le ciment de l’humanité. Des hommes tels que lui s’enrichissent aux dépens de sa congrégation. Il n’a cure des fissures dans le ciment, tant qu’il peut entendre dans ses coffres le tintement des oboles.
- Vous souhaitez les voir écartés.
- Je pense que nous devons tous ouvrir les yeux. Que le clergé doit se réunir et en discuter, et fasse enfin quelque chose, au lieu de laisser la pourriture s’installer.

Pourquoi me prosternerais-je… Réformer le Ministorum… Constantine avait conscience des paroles dissidentes de Rhozena et de son confesseur. Le mot flottait subrepticement et insidieusement dans son esprit. Il cherchait à l’écarter, mais il revenait sans cesse. Hérésie. Il gardait à l’œil le confesseur, Dukatis, Malissandre… Etait-ce un test, pour savoir où se situait sa loyauté ? Devait-il craindre pour sa vie ? Il les scruta du regard, en feignant le désintérêt.

- Je te remercie pour ton hospitalité, Rhozena. Mais je crains que je doive te laisser. Moi et mes compagnons avons une tâche à exécuter. Il ne serait pas judicieux que nous interférions dans les affaires politiques d’Ascandia. Mais nous vous aiderons dans la mesure du possible…

Un voile de tristesse passa fugacement sur le visage de la reine.

- Je comprends. Je suis heureuse d’avoir pu te revoir, mon ami.

Constantine sentait qu’elle aurait souhaité dire plus, mais ils savaient tous les deux que ce n’était pas raisonnable. Ils avaient tous les deux fait un choix, et se trouvaient sur des routes divergentes…

Les camarades de Constantine furent appelés, et ce dernier leur notifia leur départ imminent. Ragaana lui demanda si tout s’est bien passé. Il acquiesça sans un mot. Mais alors qu’ils s’apprêtaient à partir, Venria vit une expression de colère et de mépris passer sur le visage de Rigorus Tilt, entre deux sourires courtois. Elle le dévisagea avec attention.

- Avez-vous quelque chose à nous dire, précepteur ?

Tilt sembla pris au dépourvu. Sous le coup de la surprise, il ne sut quoi répondre, nia avec maladresse. La Sororitas le pressa toutefois de répondre. Une tension gagna l’assemblée. Pour la dissiper, Tilt accepta de se livrer.

Il admit avoir été épris, lorsqu’il était au service des Narsès, de la jeune sœur de Belisarius – Fortunata, la tante de Constantine. Mais il était conscient de sa condition, et jamais il n’aurait souillé son honneur en se déclarant avec impudence. Il l’aimait secrètement. Lorsqu’elle fut tuée par les ennemis de la Maison, il avait juré de la venger, et se lamentait de n’avoir pu encore accomplir sa vengeance. Il avait formé Constantine pour qu’il devienne l’instrument de cette vengeance, mais devait se rendre à l’évidence. Ce n’était pas à travers lui qu’il parviendrait à ses fins…

Constantine fixa avec attention son ancien mentor. Pendant toutes ces années, il n’avait été qu’un pion. Il avait été formé, éduqué, aiguillé dans le but d’éliminer Orcan et de reprendre le trône. Ses idées n’avaient pas totalement été les siennes, il le savait. Mais encore, tout cela n’était plus qu’un lointain souvenir. Son incarcération sur Géhenne avait fait de lui un autre homme. Il n’éprouvait plus de haine, et pas de ressentiment pour un homme qu’il considérait autrefois comme un ami, et qui admettait aujourd’hui l’avoir manipulé dans sa propre quête de vengeance.

Malissandre le salua, et il crut déceler de la fierté dans son regard.

Il regarda une dernière fois Rhozena, se remémorant tous leurs moments passés ensemble. Une partie de lui regrettait l’avenir qu’ils auraient pu avoir ensemble. Mais ce n’était plus que le désir d’un fantôme. Ce Constantine était mort sur Géhenne, et ses souhaits avec lui. Il se détourna lentement, le regard sombre. Cette route n’était pas la sienne…

mercredi 4 novembre 2009

DARK HERESY – MAGGOTS IN THE MEAT : RESUME, PART.1




La navette de descente atmosphérique tangue légèrement, ajustant la poussée de ses réacteurs pour s’amarrer au ponton de débarquement. L’Ile de l’Empereur, une enclave perdue dans le brouillard âcre de la Mer des Brumes. Loin des côtes… Loin de la vue des autochtones ignorants. Le seul lieu de débardage autorisé sur Acreage, et la source implicite du pouvoir d’Ascandia.

La passerelle de déchargement s’ouvre lentement avant de cliqueter sourdement contre la plateforme de bois. Constantine se laisse frapper par la bruine et les embruns, l’estomac noué. Il regarde Ragaana s’avancer et descendre nonchalamment la rampe, un sourire aux lèvres. Venria vérifie ses armes une fois de plus, l’expression grave. Dakka en fait de même, fronçant les sourcils à la vue du paysage morne. Plex les regarde partir, la mine sombre et résignée. Boucles d’Or apparaît près de la porte, et se poste à côté de Dakka, immobile. Le guerrier Fedridien lui jette un regard interrogateur, tout en endossant son paquetage.

L’Adepta Mechanicus le dévisage un temps, sans mot dire. Dakka hausse un sourcil, ne sachant à quoi s’attendre… Etrange. Contrairement à eux, il semble de plus en plus facile pour lui de tolérer sa présence.

- Je voudrais te remercier pour m’avoir sauvée, sur Iocanthos.

Sans attendre de réponse, elle se détourne et s’enfonce dans le vaisseau, laissant un Dakka aussi perplexe qu’étonné.

- Pas de quoi.

Mais le chasseur semble perturbé. Il a l’impression d’avoir vécu cette scène, ou une scène similaire, mais il n’arrive plus à s’en souvenir. Une sensation de déjà-vu, sans qu’il parvienne à mettre le doigt dessus. Il se détourne à son tour, ennuyé.

Constantine soupire longuement. C’est son tour, semble-t-il. La mâchoire serrée, il pose un pied devant l’autre, machinalement, réprimant l’envie de se retourner et de courir le plus loin possible. Acreage ne lui a jamais apporté rien de bon. Rien de bon…

La passerelle de bois grince et tangue sous leurs pieds. Toute l’ile semble instable et branlante, bercée par le ressac et les vagues grises et opaques. Tout est recouvert d’une fine pellicule humide, et rapidement, les acolytes se sentent mal à l’aise dans leurs vêtements détrempés. Autour d’eux, le spatioport s’agite bruyamment. Des dockers déchargent des marchandises sous les exhortations d’un contremaître, des réacteurs chuintent et sifflent… Des mouettes tournoient au-dessus de leurs têtes, piaillant et planant dans le ciel gris. L’eau huileuse, polluée par les carburants et charriant d’immondes détritus, clapote nerveusement contre les pilotis rongés par le sel, la rouille et la mousse, crachant parfois des panaches d’écume en se heurtant aux poutres et aux bastingages.

Constantine regarde avec dégoût l’enchevêtrement chaotique de ponts, d’estrades, de bâtisses biscornues, silhouettes noires enveloppées par les brumes jaunâtres et pestilentielles. Belisarius n’aurait jamais permis que l’île bénie soit ainsi désacralisée par tant d’anarchiques constructions… Au diable Orcan !

Son attention est attirée par une procession sinistre qui avance vers les zones de chargement. Des prêtres en robe grands et émaciés, à la peau livide. Des Void Born, sans aucun doute. Ils arborent une sorte de bijou en forme de larme sur leur front et leurs vêtements sont frappés d’un sceau représentant un soleil et un crâne enchâssés l’un dans l’autre. Plus étonnant encore, ils transportent sur des chariots de nombreux cercueils, qu’ils acheminent vers des vaisseaux…

Les acolytes sont accueillis par un homme de taille moyenne, aux traits anodins. Il se présente : Zek, acolyte de l’inquisitrice Ark-Ashtyn. Dakka s’étouffe presque en entendant ce nom. Il ne l’a pas oubliée. Comment le pourrait-il ? Ark-Ashtyn, l’inquisitrice qui l’avait questionné suite aux événements de Mara. L’ancien garde est pris de vertiges et de sueurs froides… Ses yeux scrutent avec inquiétude l’acolyte, discernent sous ses vêtements de nombreuses lames dissimulées. Il le comprend vite : derrière ses airs relativement insignifiants se cache un tueur efficace.

Zek a traqué Coriolanus Vestra jusqu’ici, mais est arrivé il y a peu. Il ne sait pas pourquoi il est venu à Acreage, mais il sait comment Vestra agit, et pense qu’il fera usage de ses talents de prêcheur pour attiser la haine contre l’Imperium, surtout dans un monde en proie à la guerre. Toutefois, il n’a décelé aucun mouvement contestataire religieux pour le moment. Les principaux courants du Credo sont présents : Drusiens, Vitrians, mais aussi parmi les nobles insurgés une forte présence de confesseurs des Cantus Immaculata Veritas.

Les acolytes se faufilent entre les flots de hors-monde venus vendre leurs marchandises et les foules de négociants locaux accrédités pour venir sur l’île. Des crieurs haranguent les foules, debout sur des caisses, tandis que des grossistes intéressés se pressent sur les quais, piétinant dans la boue et jetant des coups d’œil aux étals, dans l’ombre des rangées de navires marchands amarrés. Sur des étals légèrement en retrait, isolés dans des alcôves et gardés par des agents de sécurité patibulaires chargés de filtrer les clients, des objets technologiques hors-monde s’alignent pour le regard des émissaires nobles d’Acreage, à des prix exorbitants.

Bientôt, le crachin se transforme en une pluie drue et glaciale. Dakka grommèle en regardant le ciel. Après l’ardeur inflexible et impitoyable des cieux d’Iocanthos, cela leur fait un changement radical de climat…

Constantine toise au loin la silhouette lugubre de l’église du Ministorum, trônant au-dessus des toits. Autrefois, l’édifice qui surplombait le Square de l’Empereur lui semblait aussi splendide qu’il lui semblait imposant. Mais aujourd’hui, le bâtiment monolithique avait des airs de colosse funeste et inquiétant. Non loin, des forces de police arbitraient une querelle sous l’œil strict et visiblement accablé par l’ennui d’un arbitrateur. Constantine se rappelait de l’Ile, avant qu’Orcan ne prenne le pouvoir. Un lieu saint, impeccable, aux longues avenues majestueuses… Désormais, des bicoques et des boutiques de bois s’étaient construites de manière désordonnée sur ces voies, empiétant sur les routes et les transformant en un dédale de ruelles étroites et d’impasses malfamées. Dans ces coupe-gorges crasseux, des individus menaçants sévissaient là où seuls des prélats et des clercs officiaient auparavant. Et cette boue ! Partout où ils posent le pied, elle se cramponne à leurs talons, glissante et collante, maculant leurs bottes, souillant leurs vêtements…

Les acolytes quittent les comptoirs marchands, les marchés couverts et les criées pour rejoindre la capitainerie, en quête d’un bateau pouvant les transporter vers le continent. Ils grimpent les quelques volées de marche les menant à l’office, jouxtant le bâtiment de l’Administratum. Des clercs épluchent les registres, sondent les livres de compte, signent des autorisations d’échange et de commerce, vérifient scrupuleusement le montant des taxes prélevées…

Ces derniers ont le regret d’annoncer que les navires en partance pour le continent sont réservés depuis des semaines. Leur seule chance, sans laisser passer, est de faire la queue sur les quais, dans l’espoir de pouvoir embarquer sur un quelconque rafiot au bon gré de leur capitaine. Il y a des dizaines et des dizaines de personnes qui attendent, et campent sur la promenade, parfois depuis des jours… A tout hasard, Venria montre une photo-pix de Coriolanus Vestra au secrétaire. Mais ce dernier secoue la tête. Non, il ne l’a pas vu à la capitainerie.

Ils ressortent sous la pluie battante. Sur le quai, en effet, une file d’hommes, de femmes et d’enfants patiente, résignée, grelottant sous l’averse, dans l’espoir d’embarquer. Sous une tente, un marin est assis derrière une table, les mains tachées d’encre à force de noter les noms des passagers, ainsi que la somme qu’ils ont en leur possession pour acheter leur passage. Des enchères… Seuls les plus fortunés pourront espérer monter à bord du prochain navire en partance, demain à l’aube. Le bateau du soir est déjà complet. Aux alentours, des hommes écoutent attentivement les négociations. Des bandits, prêts à égorger les imprudents aux bourses pleines…

Mais les acolytes ne peuvent se permettre de patienter. Ils traquent un hérétique, et ne se laisseront pas ralentir par de simples contingences logistiques. Au bout d’un certain temps, ils rencontrent un capitaine qui accepte contre monnaie sonnante et trébuchante de leur réserver son navire, le Splendour of the Seas, pour la traversée jusqu’à Regalia, puis Olrankan s’ils le souhaitent.

Le vaisseau appareillera dans quelques heures, le temps de charger les marchandises. Du temps que les servants de la Sainte Inquisition mettent à écumer les bars et les rades du coin, en laissant traîner l’oreille à gauche à droite. Ils apprennent ainsi qu’un blocus a été mis en place par la Baronne Malissandre Falatrish autour de l’Ile de l’Empereur, ne laissant passer que les vaisseaux possédant une autorisation impériale. Sa flotte imposante assiège Regalia, l’ancienne capitale…

On murmure aussi que les maisons nobles sont accablées par un mal terrible. Et c’est à cause de cela que la garde est sur le qui-vive. De nombreuses personnes auraient disparu sans laisser de trace, emportées par des spectres, sans doute ! Les âmes qui ont trouvé la mort durant ces décennies de guerre viennent se venger, tourmentant la noblesse ! Une terrible malédiction ! A moins que ce ne soit le Horloc ?

Pour ce qui est de Vestra, personne ne semble l’avoir vu… Où chercher ? Il pourrait être n’importe où sur la planète…

Constantine est nerveux. Il regarde avec anxiété les myriades de bateaux qui encerclent Regalia. Une frégate, le Garnet Crow, les accoste, demandant leur laissez-passer. L’héritier Narsès baisse les yeux. Le capitaine de leur voilier fournit à l’officier rebelle les documents frappés du symbole de l’Aquila et signés par l’Adeptus Administratum. Le capitaine du vaisseau militaire parcourt les accréditations, acquiesce et les autorise à passer. Constantine regarde avec soulagement le bâtiment de guerre reprendre sa position au sein de l’armada…

Sans apercevoir la silhouette qui l’observe depuis sa poupe. Un baroudeur à son allure, peut-être un corsaire, à la vue du bandeau de cuir qui couvre son œil droit…

Les acolytes voient se profiler les hautes tours blanches de Regalia, engoncées au creux de falaises vertigineuses. L’ancienne capitale n’a pas perdu son lustre, sa gloire séculaire, et la cité-forteresse se dresse aussi fièrement que par le passé. Constantine scrute le port fortifié, qui perce l’océan comme une pointe de flèche acérée, la ville stratifiée s’étendre tout le long de la côte, comme immaculée… Il observe les villas portuaires de la noblesse, bien à l’abri derrière le mur de Farrian, et dominant tout le reste, derrière le mur d’Isold, l’ancien palais royal, toujours aussi clinquant et martial… Seules les quelques volutes de fumée qui serpentent nonchalamment vers le ciel viennent ternir le tableau.

Les hauts murs défilent de part et d’autre du Splendour, alors que la lourde chaîne barrant l’entrée du port est abaissée. Une fois sur la terre ferme, les acolytes se dirigent vers la capitainerie. Là, la fortune leur sourit : un clerc leur dit se souvenir de la personne qu’ils lui ont montrée sur le photo-pix… Un homme au visage sévère et intimidant, vêtu de somptueux atours d’ecclésiaste. Il se souvient l’avoir entrevu depuis la fenêtre, sur le ponton, lorsque le capitaine de l’embarcation venu demander son autorisation de voyage jusqu’à Olrankan lui avait demandé d’accélérer le protocole, au vu de la nature de ses passagers. Le clerc avait accéléré les choses, pour ne pas faire patienter un prélat de l’Ecclésiarchie… Il connait le capitaine du navire : un certain Riles Lytir. Son bateau : l’Iron Duke.

Par chance, l’Iron Duke est à quai. Une fière caravelle fastueusement décorée, pour le transport de marchandises autant que de passagers. Les acolytes demandent audience auprès de Lytir, avec pour motif la location de son navire et de son équipage. Ce dernier accepte avec enthousiasme. Et même s’il semble suspicieux et préoccupé par les questions des acolytes concernant son précédent client, il répond volontiers. Ces hommes ne lui ont pas inspiré une grande confiance et ne se sont pas montrés très cordiaux. Des mercenaires menaçants, et un prêtre patibulaire qui aurait aussi très bien pu être un scélérat excentrique… Rien d’autre que des brutes épaisses, qui lui ont fait froid dans le dos.

Lytir raconte que leur demande était des plus farfelues. Ils ont demandé à descendre et à décharger leur cargaison sur une petite crique du Canal de l’Empereur. Ils ont payé et demandé à ce qu’ils se pressent de déguerpir. A son avis, ce n’était pas une affaire très réglementaire. Et leur cargo n’était pas des plus légaux. Mais il préfère ne plus y penser et laisser ça derrière lui.

Pour faciliter leurs recherches et éviter de devoir s’expliquer aux autorités, les acolytes vont se présenter à la milice et demandent, en montrant discrètement le sceau de l’Inquisition, à parler au responsable du bureau. Ils demandent à l’officier de leur fournir un mandat légitimant leur présence et autorisant leurs actions, quelles qu’elles soient. Ce dernier, intimidé, accepte sans rechigner. Bien sûr, cette information devra rester confidentielle, et ne devra pas quitter les quatre murs de la salle d’entrevue…

Dans les rues, la milice est à cran. Sur les murs d’enceinte de la ville, déjà marqués par de violentes escarmouches, les gardes scrutent les vaisseaux renégats avec appréhension. Des pans de remparts se sont effondrés, les pavés en contrebas recouverts de gravats, là où des boulets de canons ont percé la muraille.

Les recherches au sein de la ville ne sont pas très fructueuses. Ils écument tavernes, auberges, marchés… Mais personne ne semble avoir vu Vestra, hormis quelques vagues témoignages sur les docks. Une chose est sûre, toutefois : il ne semble pas avoir traîné à Regalia.

Les acolytes retournent sur l’Iron Duke à la tombée de la nuit, alors que le couvre-feu s’installe. Des patrouilles les pressent à déguerpir des rues, tandis que des sentinelles contemplent la flotte ennemie, en brandissant haut leur lanterne. Ils dinent à la table de Lytir, qui se montre agréable et enjoué, et prennent place sur leurs couches pour la nuit…

Constantine sent une main se poser sur son épaule. Il se réveille en sursaut, la main prête à dégainer son couteau. Une silhouette est agenouillée à côté de lui, enveloppée par la clarté moirée de la lune… Le temps s’est dégagé. De lourds cumulus dérivent dans le ciel obscur, et la lune blafarde semble jouer à cache-cache au sein des nuées… Le visage de l’intrus se dévoile dans la pâleur sélénite, révélant un homme au sourire moqueur, à la barbe soigneusement taillée, à la Strynnienne. Un bandeau de cuir descend sur son œil droit, cachant à moitié une ancienne brûlure répugnante. Sur le côté de son crâne, sa chair est affreusement scarifiée là où un laser l’a frappé de plein fouet. Ses cheveux longs tombent sur ses épaules, çà et là tressés, et retenus à l’arrière par une queue de cheval. Son œil gauche brille dans la pénombre…

- Tu devrais dire à tes hommes de faire preuve de plus de vigilance…

Constantine voit Dakka, dont c’était le tour de garde, dodeliner de la tête, les yeux clos. Ses yeux se fixent à nouveau sur le forban. Il écarquille les yeux…

- Corvus !

lundi 2 novembre 2009

DARK HERESY - PURGE THE UNCLEAN

Samedi 31 octobre 2009 s'est déroulée la suite du scénario Purge the Unclean.

Joueurs présents : Thomas, Cyril, Fabrice