mercredi 4 novembre 2009

DARK HERESY – MAGGOTS IN THE MEAT : RESUME, PART.1




La navette de descente atmosphérique tangue légèrement, ajustant la poussée de ses réacteurs pour s’amarrer au ponton de débarquement. L’Ile de l’Empereur, une enclave perdue dans le brouillard âcre de la Mer des Brumes. Loin des côtes… Loin de la vue des autochtones ignorants. Le seul lieu de débardage autorisé sur Acreage, et la source implicite du pouvoir d’Ascandia.

La passerelle de déchargement s’ouvre lentement avant de cliqueter sourdement contre la plateforme de bois. Constantine se laisse frapper par la bruine et les embruns, l’estomac noué. Il regarde Ragaana s’avancer et descendre nonchalamment la rampe, un sourire aux lèvres. Venria vérifie ses armes une fois de plus, l’expression grave. Dakka en fait de même, fronçant les sourcils à la vue du paysage morne. Plex les regarde partir, la mine sombre et résignée. Boucles d’Or apparaît près de la porte, et se poste à côté de Dakka, immobile. Le guerrier Fedridien lui jette un regard interrogateur, tout en endossant son paquetage.

L’Adepta Mechanicus le dévisage un temps, sans mot dire. Dakka hausse un sourcil, ne sachant à quoi s’attendre… Etrange. Contrairement à eux, il semble de plus en plus facile pour lui de tolérer sa présence.

- Je voudrais te remercier pour m’avoir sauvée, sur Iocanthos.

Sans attendre de réponse, elle se détourne et s’enfonce dans le vaisseau, laissant un Dakka aussi perplexe qu’étonné.

- Pas de quoi.

Mais le chasseur semble perturbé. Il a l’impression d’avoir vécu cette scène, ou une scène similaire, mais il n’arrive plus à s’en souvenir. Une sensation de déjà-vu, sans qu’il parvienne à mettre le doigt dessus. Il se détourne à son tour, ennuyé.

Constantine soupire longuement. C’est son tour, semble-t-il. La mâchoire serrée, il pose un pied devant l’autre, machinalement, réprimant l’envie de se retourner et de courir le plus loin possible. Acreage ne lui a jamais apporté rien de bon. Rien de bon…

La passerelle de bois grince et tangue sous leurs pieds. Toute l’ile semble instable et branlante, bercée par le ressac et les vagues grises et opaques. Tout est recouvert d’une fine pellicule humide, et rapidement, les acolytes se sentent mal à l’aise dans leurs vêtements détrempés. Autour d’eux, le spatioport s’agite bruyamment. Des dockers déchargent des marchandises sous les exhortations d’un contremaître, des réacteurs chuintent et sifflent… Des mouettes tournoient au-dessus de leurs têtes, piaillant et planant dans le ciel gris. L’eau huileuse, polluée par les carburants et charriant d’immondes détritus, clapote nerveusement contre les pilotis rongés par le sel, la rouille et la mousse, crachant parfois des panaches d’écume en se heurtant aux poutres et aux bastingages.

Constantine regarde avec dégoût l’enchevêtrement chaotique de ponts, d’estrades, de bâtisses biscornues, silhouettes noires enveloppées par les brumes jaunâtres et pestilentielles. Belisarius n’aurait jamais permis que l’île bénie soit ainsi désacralisée par tant d’anarchiques constructions… Au diable Orcan !

Son attention est attirée par une procession sinistre qui avance vers les zones de chargement. Des prêtres en robe grands et émaciés, à la peau livide. Des Void Born, sans aucun doute. Ils arborent une sorte de bijou en forme de larme sur leur front et leurs vêtements sont frappés d’un sceau représentant un soleil et un crâne enchâssés l’un dans l’autre. Plus étonnant encore, ils transportent sur des chariots de nombreux cercueils, qu’ils acheminent vers des vaisseaux…

Les acolytes sont accueillis par un homme de taille moyenne, aux traits anodins. Il se présente : Zek, acolyte de l’inquisitrice Ark-Ashtyn. Dakka s’étouffe presque en entendant ce nom. Il ne l’a pas oubliée. Comment le pourrait-il ? Ark-Ashtyn, l’inquisitrice qui l’avait questionné suite aux événements de Mara. L’ancien garde est pris de vertiges et de sueurs froides… Ses yeux scrutent avec inquiétude l’acolyte, discernent sous ses vêtements de nombreuses lames dissimulées. Il le comprend vite : derrière ses airs relativement insignifiants se cache un tueur efficace.

Zek a traqué Coriolanus Vestra jusqu’ici, mais est arrivé il y a peu. Il ne sait pas pourquoi il est venu à Acreage, mais il sait comment Vestra agit, et pense qu’il fera usage de ses talents de prêcheur pour attiser la haine contre l’Imperium, surtout dans un monde en proie à la guerre. Toutefois, il n’a décelé aucun mouvement contestataire religieux pour le moment. Les principaux courants du Credo sont présents : Drusiens, Vitrians, mais aussi parmi les nobles insurgés une forte présence de confesseurs des Cantus Immaculata Veritas.

Les acolytes se faufilent entre les flots de hors-monde venus vendre leurs marchandises et les foules de négociants locaux accrédités pour venir sur l’île. Des crieurs haranguent les foules, debout sur des caisses, tandis que des grossistes intéressés se pressent sur les quais, piétinant dans la boue et jetant des coups d’œil aux étals, dans l’ombre des rangées de navires marchands amarrés. Sur des étals légèrement en retrait, isolés dans des alcôves et gardés par des agents de sécurité patibulaires chargés de filtrer les clients, des objets technologiques hors-monde s’alignent pour le regard des émissaires nobles d’Acreage, à des prix exorbitants.

Bientôt, le crachin se transforme en une pluie drue et glaciale. Dakka grommèle en regardant le ciel. Après l’ardeur inflexible et impitoyable des cieux d’Iocanthos, cela leur fait un changement radical de climat…

Constantine toise au loin la silhouette lugubre de l’église du Ministorum, trônant au-dessus des toits. Autrefois, l’édifice qui surplombait le Square de l’Empereur lui semblait aussi splendide qu’il lui semblait imposant. Mais aujourd’hui, le bâtiment monolithique avait des airs de colosse funeste et inquiétant. Non loin, des forces de police arbitraient une querelle sous l’œil strict et visiblement accablé par l’ennui d’un arbitrateur. Constantine se rappelait de l’Ile, avant qu’Orcan ne prenne le pouvoir. Un lieu saint, impeccable, aux longues avenues majestueuses… Désormais, des bicoques et des boutiques de bois s’étaient construites de manière désordonnée sur ces voies, empiétant sur les routes et les transformant en un dédale de ruelles étroites et d’impasses malfamées. Dans ces coupe-gorges crasseux, des individus menaçants sévissaient là où seuls des prélats et des clercs officiaient auparavant. Et cette boue ! Partout où ils posent le pied, elle se cramponne à leurs talons, glissante et collante, maculant leurs bottes, souillant leurs vêtements…

Les acolytes quittent les comptoirs marchands, les marchés couverts et les criées pour rejoindre la capitainerie, en quête d’un bateau pouvant les transporter vers le continent. Ils grimpent les quelques volées de marche les menant à l’office, jouxtant le bâtiment de l’Administratum. Des clercs épluchent les registres, sondent les livres de compte, signent des autorisations d’échange et de commerce, vérifient scrupuleusement le montant des taxes prélevées…

Ces derniers ont le regret d’annoncer que les navires en partance pour le continent sont réservés depuis des semaines. Leur seule chance, sans laisser passer, est de faire la queue sur les quais, dans l’espoir de pouvoir embarquer sur un quelconque rafiot au bon gré de leur capitaine. Il y a des dizaines et des dizaines de personnes qui attendent, et campent sur la promenade, parfois depuis des jours… A tout hasard, Venria montre une photo-pix de Coriolanus Vestra au secrétaire. Mais ce dernier secoue la tête. Non, il ne l’a pas vu à la capitainerie.

Ils ressortent sous la pluie battante. Sur le quai, en effet, une file d’hommes, de femmes et d’enfants patiente, résignée, grelottant sous l’averse, dans l’espoir d’embarquer. Sous une tente, un marin est assis derrière une table, les mains tachées d’encre à force de noter les noms des passagers, ainsi que la somme qu’ils ont en leur possession pour acheter leur passage. Des enchères… Seuls les plus fortunés pourront espérer monter à bord du prochain navire en partance, demain à l’aube. Le bateau du soir est déjà complet. Aux alentours, des hommes écoutent attentivement les négociations. Des bandits, prêts à égorger les imprudents aux bourses pleines…

Mais les acolytes ne peuvent se permettre de patienter. Ils traquent un hérétique, et ne se laisseront pas ralentir par de simples contingences logistiques. Au bout d’un certain temps, ils rencontrent un capitaine qui accepte contre monnaie sonnante et trébuchante de leur réserver son navire, le Splendour of the Seas, pour la traversée jusqu’à Regalia, puis Olrankan s’ils le souhaitent.

Le vaisseau appareillera dans quelques heures, le temps de charger les marchandises. Du temps que les servants de la Sainte Inquisition mettent à écumer les bars et les rades du coin, en laissant traîner l’oreille à gauche à droite. Ils apprennent ainsi qu’un blocus a été mis en place par la Baronne Malissandre Falatrish autour de l’Ile de l’Empereur, ne laissant passer que les vaisseaux possédant une autorisation impériale. Sa flotte imposante assiège Regalia, l’ancienne capitale…

On murmure aussi que les maisons nobles sont accablées par un mal terrible. Et c’est à cause de cela que la garde est sur le qui-vive. De nombreuses personnes auraient disparu sans laisser de trace, emportées par des spectres, sans doute ! Les âmes qui ont trouvé la mort durant ces décennies de guerre viennent se venger, tourmentant la noblesse ! Une terrible malédiction ! A moins que ce ne soit le Horloc ?

Pour ce qui est de Vestra, personne ne semble l’avoir vu… Où chercher ? Il pourrait être n’importe où sur la planète…

Constantine est nerveux. Il regarde avec anxiété les myriades de bateaux qui encerclent Regalia. Une frégate, le Garnet Crow, les accoste, demandant leur laissez-passer. L’héritier Narsès baisse les yeux. Le capitaine de leur voilier fournit à l’officier rebelle les documents frappés du symbole de l’Aquila et signés par l’Adeptus Administratum. Le capitaine du vaisseau militaire parcourt les accréditations, acquiesce et les autorise à passer. Constantine regarde avec soulagement le bâtiment de guerre reprendre sa position au sein de l’armada…

Sans apercevoir la silhouette qui l’observe depuis sa poupe. Un baroudeur à son allure, peut-être un corsaire, à la vue du bandeau de cuir qui couvre son œil droit…

Les acolytes voient se profiler les hautes tours blanches de Regalia, engoncées au creux de falaises vertigineuses. L’ancienne capitale n’a pas perdu son lustre, sa gloire séculaire, et la cité-forteresse se dresse aussi fièrement que par le passé. Constantine scrute le port fortifié, qui perce l’océan comme une pointe de flèche acérée, la ville stratifiée s’étendre tout le long de la côte, comme immaculée… Il observe les villas portuaires de la noblesse, bien à l’abri derrière le mur de Farrian, et dominant tout le reste, derrière le mur d’Isold, l’ancien palais royal, toujours aussi clinquant et martial… Seules les quelques volutes de fumée qui serpentent nonchalamment vers le ciel viennent ternir le tableau.

Les hauts murs défilent de part et d’autre du Splendour, alors que la lourde chaîne barrant l’entrée du port est abaissée. Une fois sur la terre ferme, les acolytes se dirigent vers la capitainerie. Là, la fortune leur sourit : un clerc leur dit se souvenir de la personne qu’ils lui ont montrée sur le photo-pix… Un homme au visage sévère et intimidant, vêtu de somptueux atours d’ecclésiaste. Il se souvient l’avoir entrevu depuis la fenêtre, sur le ponton, lorsque le capitaine de l’embarcation venu demander son autorisation de voyage jusqu’à Olrankan lui avait demandé d’accélérer le protocole, au vu de la nature de ses passagers. Le clerc avait accéléré les choses, pour ne pas faire patienter un prélat de l’Ecclésiarchie… Il connait le capitaine du navire : un certain Riles Lytir. Son bateau : l’Iron Duke.

Par chance, l’Iron Duke est à quai. Une fière caravelle fastueusement décorée, pour le transport de marchandises autant que de passagers. Les acolytes demandent audience auprès de Lytir, avec pour motif la location de son navire et de son équipage. Ce dernier accepte avec enthousiasme. Et même s’il semble suspicieux et préoccupé par les questions des acolytes concernant son précédent client, il répond volontiers. Ces hommes ne lui ont pas inspiré une grande confiance et ne se sont pas montrés très cordiaux. Des mercenaires menaçants, et un prêtre patibulaire qui aurait aussi très bien pu être un scélérat excentrique… Rien d’autre que des brutes épaisses, qui lui ont fait froid dans le dos.

Lytir raconte que leur demande était des plus farfelues. Ils ont demandé à descendre et à décharger leur cargaison sur une petite crique du Canal de l’Empereur. Ils ont payé et demandé à ce qu’ils se pressent de déguerpir. A son avis, ce n’était pas une affaire très réglementaire. Et leur cargo n’était pas des plus légaux. Mais il préfère ne plus y penser et laisser ça derrière lui.

Pour faciliter leurs recherches et éviter de devoir s’expliquer aux autorités, les acolytes vont se présenter à la milice et demandent, en montrant discrètement le sceau de l’Inquisition, à parler au responsable du bureau. Ils demandent à l’officier de leur fournir un mandat légitimant leur présence et autorisant leurs actions, quelles qu’elles soient. Ce dernier, intimidé, accepte sans rechigner. Bien sûr, cette information devra rester confidentielle, et ne devra pas quitter les quatre murs de la salle d’entrevue…

Dans les rues, la milice est à cran. Sur les murs d’enceinte de la ville, déjà marqués par de violentes escarmouches, les gardes scrutent les vaisseaux renégats avec appréhension. Des pans de remparts se sont effondrés, les pavés en contrebas recouverts de gravats, là où des boulets de canons ont percé la muraille.

Les recherches au sein de la ville ne sont pas très fructueuses. Ils écument tavernes, auberges, marchés… Mais personne ne semble avoir vu Vestra, hormis quelques vagues témoignages sur les docks. Une chose est sûre, toutefois : il ne semble pas avoir traîné à Regalia.

Les acolytes retournent sur l’Iron Duke à la tombée de la nuit, alors que le couvre-feu s’installe. Des patrouilles les pressent à déguerpir des rues, tandis que des sentinelles contemplent la flotte ennemie, en brandissant haut leur lanterne. Ils dinent à la table de Lytir, qui se montre agréable et enjoué, et prennent place sur leurs couches pour la nuit…

Constantine sent une main se poser sur son épaule. Il se réveille en sursaut, la main prête à dégainer son couteau. Une silhouette est agenouillée à côté de lui, enveloppée par la clarté moirée de la lune… Le temps s’est dégagé. De lourds cumulus dérivent dans le ciel obscur, et la lune blafarde semble jouer à cache-cache au sein des nuées… Le visage de l’intrus se dévoile dans la pâleur sélénite, révélant un homme au sourire moqueur, à la barbe soigneusement taillée, à la Strynnienne. Un bandeau de cuir descend sur son œil droit, cachant à moitié une ancienne brûlure répugnante. Sur le côté de son crâne, sa chair est affreusement scarifiée là où un laser l’a frappé de plein fouet. Ses cheveux longs tombent sur ses épaules, çà et là tressés, et retenus à l’arrière par une queue de cheval. Son œil gauche brille dans la pénombre…

- Tu devrais dire à tes hommes de faire preuve de plus de vigilance…

Constantine voit Dakka, dont c’était le tour de garde, dodeliner de la tête, les yeux clos. Ses yeux se fixent à nouveau sur le forban. Il écarquille les yeux…

- Corvus !

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