mercredi 2 décembre 2009

DARK HERESY – MAGGOTS IN THE MEAT : RESUME, PART.7



Les vagues grisâtres et chargées d’écume firent place aux eaux brunes et stagnantes des marais. Le ciel pâle fit place aux brumes ocres et pestilentielles. Sous le Xenoship, les silhouettes sombres des arbres noirs et squelettiques de la forêt noyée défilaient comme autant de spectres faméliques, leur écorce et leurs branches suintant et exsudant la pourriture. Des mains implorantes et tortueuses jaillissant de la vase, enserrant parfois dans leurs griffes le cadavre d’un animal rongé par les vers, ou la carcasse décharnée d’une embarcation humaine…

En face de lui, Urdos Garm fit cliqueter le chargeur de son bolter lourd pour en vérifier les balles. Zek méditait à l’écart, les yeux clos, tandis que Strygos ajustait ses gants noirs. Jocelyn décocha un clin d’œil à Constantine avant de boucler son holster autour de ses hanches. Ragaana, à peine remis des contrecoups du Warp, conversait fébrilement avec Dakka. Venria, quant à elle, scrutait le brouillard, enfermée dans le silence. Pericycllos était plongé dans la lecture d’un grimoire. Livan Tilbaren murmurait des prières muettes à l’Empereur-Dieu en humant les fumées serpentines de son bâtonnet d’encens. Plex jouait négligemment avec un cure-dents, mais ses mains se crispaient et se décrispaient tour à tour. Il avait besoin d’en découdre. Boucles d’Or, enfin, avait les yeux rivés sur l’horizon, aux commandes du Pellenshir.

Graham vint s’installer sur le siège de la gatling, ajustant son harnais et vérifiant les munitions et les pistons du gyrostabilisateur. Constantine regarda à travers les hublots et chercha à apercevoir les autres barges, qui se dévoilaient sporadiquement entre les méandres de la brume. Ils volaient bas pour éviter toute détection et le gros des tirs antiaériens. Mais il ne se faisait pas d’illusion. L’ennemi serait prêt pour les accueillir.

- Tu sais que c’est un piège, hein, Constantine, là. C’est toi qu’ils veulent, et tu vas dans la gueule du tigre-rasoir.

Il regarda Ragaana, rivant son regard au sien. De lourds cernes s’étaient creusés sous ses yeux, et ses lèvres étaient agitées de spasmes maladifs.

- Je sais, mais je dois découvrir pourquoi il cherche à me capturer.
- Hé, parfois, mec, vaut mieux laisser les trucs dormir…
- Pas cette fois-ci, Raga.
- C’est comme tu veux, mec.

Sans se détourner des schémas de trajectoire hololithiques qui défilaient devant ses yeux, Boucles d’Or avertit ses compagnons de sa voix monocorde de leur arrivée imminente.

Strygos se tourna vers les acolytes.

- Vous savez quoi faire. Le Pellenshir se positionnera au-dessus du port selon les coordonnées que nous a communiqué Constantine Marsimus. Vous serez le fer de lance. Mes acolytes couvriront votre avancée. Mais nous ne serons pas loin derrière. Une fois le port sécurisé, nous escorterons la techno-adepte jusqu’à vous. Faites en sorte de dégager le passage.

Dakka acquiesça en enfilant son gilet pare-balles et ses grenades en bandoulière.

- Nous savons que les ennemis se sont positionnés le long de l’enceinte de l’ancienne ville. Des chasseurs produiront un tir de barrage pour nous permettre de percer les défenses et de cibler le cœur de la cité, l’ancien palais Narsès.

Pour faire écho aux paroles de Graham, ils entendirent résonner les premiers tirs des batteries sol-air. Les projectiles sifflèrent, suivis de déflagration. Le vaisseau vibra sous les explosions…

- Accrochez-vous.

A l’avertissement de Boucles d’Or, tous se cramponnèrent aux rambardes.

Boucles d’Or inclina soudain le manche. Le Pellenshir piqua vers les eaux brunâtres, tandis que tout dans l’habitacle se mettait à cahoter avec furie. Elle commença à louvoyer à quelques mètres du sol. Le vaisseau dessina de hautes stries dans son sillage, ses réacteurs soulevant de lourdes masses d’eau à plusieurs mètres au-dessus du sol. Derrière eux, l’eau laissait une bruine irisée en retombant.

Ils jurèrent tous sous le coup du choc de l’accélération. La mâchoire crispée, Constantine respira par saccades. Venria sembla soudain exulter, tandis que Garm grognait lui aussi, sa taciturnité soudain fissurée sous le coup de l’excitation. Dakka resta immobile, les yeux clos. Combien de fois avait-il ainsi débarqué sur une zone de guerre ? Il ne pouvait rien faire. Juste prier pour son salut et celui de ses compagnons.

Des branches rabougries craquèrent sourdement contre la coque. Les arbres décrépits éclatèrent sur leur passage. Au-dessus d’eux, des déflagrations continuaient d’agiter les cieux. Un lander explosa en plein vol, frappé de plein fouet par un missile. Le vaisseau embrasé s’abîma dans les eaux putrides en propulsant un geyser de boue, laissant une mare de Prométhéum incandescent aux volutes de fumée noirâtre…

Le ciel n’était plus qu’une pluie de projectiles incandescents. Une autre barge fut criblée de bolts lourds. Le vaisseau dériva, disparut un instant dans les lambeaux de brume, avant de s’entrechoquer à un autre appareil. Le premier se désintégra sous le choc tandis que le second disparaissait dans une traînée de napalm ardent.

Le Pellenshir perça une langue de brouillard. Devant eux se dressait enfin l’ancien castel des Narsès, devenu une sombre nécropole abandonnée, un tombeau régnant sur les marécages. Constantine fixa des yeux son domaine en ruines, ses tours effondrées, ses fenêtres désormais vides comme les orbites de centaines de morts. Au-dessus de la forteresse, deux vaisseaux fuyaient vers l’espace.

Boucles d’Or passa à côté d’une muraille délabrée. Une batterie antiaérienne y avait été positionnée. Les tirs ricochèrent sur le bouclier et le blindage du Xenoship, faisant trembler le cockpit. Elle suivit son avancée, cinglant sa coque sur tout son long, mais ne parvint pas à interrompre sa progression. Le Pellenshir frôla l’arme, et la noya sous des trombes d’eau…

D’autres vaisseaux alliés se placèrent en couverture de celui de l’Inquisition, afin d’empêcher les autres batteries de le cibler. Tout autour, des barges heurtaient les murailles et débarquaient des hommes. Les pontons s’ouvraient, et les soldats d’Orcan s’élançaient avec ardeur et courage. Les pirates du Syndicat, lourdement armés et caparaçonnés, affrontaient dans une danse de mort et de sang le fleuron des armées d’Ascandia.

Sur toute la ligne de front, des combats éclatèrent. Mais le Pellenshir n’interrompit pas sa course. Il fila droit vers la citadelle. Graham hurla aux autres acolytes.

- Nous avons percé le premier périmètre !

L’assassin ouvrit les panneaux latéraux de l’appareil, qui se déplièrent en laissant soudain entrer un vent cinglant et vociférant. Le poste de tir coulissa le long de rails pour se placer juste à l’extérieur du vaisseau, dans le grincement des vérins hydrauliques.

Le Pellenshir s’infiltra dans le port, au milieu des épaves de bateaux putréfiés. Les navires gisaient dans la fange comme les ossements de grands géants décharnés, là où ils avaient été coulés par les salves des canonnières adverses. Une forêt de mats et un cimetière de figures de proue larmoyantes… La haute flèche gothique du phare reposait dans les flots, décapitée, inclinée à quarante-cinq degrés comme en signe de soumission. Sa base était encore visible, à l’extrémité de la muraille, telle une souche élimée.

De l’autre côté, le beffroi se dressait encore fièrement, défiant, malgré les nombreux dégâts causés par les boulets de canons. La cloche qui avait sonné l’arrivée des troupes ennemies était encore engoncée dans sa pointe, mais elle était désormais rouillée, morne vigie silencieuse…

Des oiseaux s’envolèrent à l’arrivée du vaisseau, nuées bondissantes de noir et de blanc. Un échassier au long bec anthracite déploya ses longues ailes et fila vers le nord…

Les quais étaient couverts de gravats, les pontons arqués par le poids des années. Les marches menant des docks à la citadelle étaient obstruées par des pans de murs, des colonnes, des arches, qui s’étaient effondrés sous le pilonnage des balistes et des bombardes. Les fenêtres et les balcons, autrefois sertis de verres colorés et de vitraux, étaient désormais béants, comme des bouches soupirantes.

Mais aujourd’hui, ces ouvertures vomissaient des soldats hors-monde…

Ils se déployèrent rapidement sur les embarcadères et les appontements, avec une cohésion admirable, s’abritant derrière les éboulis, se couvrant mutuellement et se mouvant avec efficacité. Ces mercenaires étaient rompus au combat, et leur attirail ne laissait pas de doute sur leurs intentions. Ce n’était plus de simples éclaireurs spécialisés dans les interventions brèves et rapides, comme ils en avaient déjà rencontrés à Olrankan, mais des guerriers farouches et habitués à tuer. Ils arboraient une lourde armure pour une protection optimale, et brandissaient des bolters meurtriers.

La gatling de Strygos siffla en tournoyant, puis vociféra en arrosant l’ennemi d’un déluge de bolts. Partout, la pierre blanche éclatait, des panaches de poussière et de gravats giclaient et fusaient. Une statue fut criblée d’impacts de la taille d’un poing avant de s’effondrer et de rejoindre le reste des décombres.

Dakka sauta de l’engin, atterrissant lourdement sur le ponton. Sa jambe transperça les planches avariées. Il la retira sans se démonter, mit un genou à terre et se mit à canarder. Venria le suivit de près, profitant de son tir de couverture pour se réfugier quelques mètres en aval. Ce fut au tour de Ragaana et de Zek. L’assassin roula avec grâce sur le sol avant de s’élancer sur la droite, sans même marquer de pause. La racaille rejoignit Venria sur la droite, s’adossant au pilier couché en travers de leur route. Le chaman sauta au-dessus du pilastre pour ne pas se faire distancer par l’acolyte d’Ark-Ashtyn.

Constantine bondit à son tour, mais le bois pourri et fragilisé céda sous son poids. Il tomba à la renverse dans les eaux boueuses, se redressa en toute hâte en recrachant l’eau putride. Il scruta les environs, et se dirigea vers la berge, mais entrevit un moyen de contourner les défenseurs.

Venria dégoupilla une grenade et la lança vers les lignes adverses. La détonation envoya valser des éclats de pierre et de poussière. Dakka en profita pour avancer, catapultant lui aussi une grenade. Plex sauta hors de son abri et se fraya un chemin sur la droite, suivi de Venria.

Zek décochait couteau sur couteau, forçant l’ennemi à baisser la tête, tandis que Ragaana passait derrière lui et filait droit vers les eux. L’air siffla et se mit à luire d’une lueur verdâtre autour de lui, tandis que ses mains noircissaient et s’allongeaient pour former des griffes effilées et disproportionnées.

Le corps d’un mercenaire tournoya dans les airs, ses jambes arrachées par l’explosion. Plex ficha deux balles dans le torse d’un autre, tandis que les décharges de Venria mettaient un troisième adversaire à terre. Strygos continuait de mitrailler les stipendiés, et plusieurs s’effondrèrent lacérés.

Dakka fit choir un ennemi d’une balustrade, et continua d’avancer pas à pas, ses courtes rafales dardant à droite et à gauche. Derrière lui, Urdos Garm et Quint se laissèrent tomber sur les quais, et joignirent leurs tirs à ceux des acolytes.

Ragaana transperça de part en part un ennemi, avant de l’éviscérer. Le couteau de Zek taillada l’artère d’une cuisse, avant de trouver la gorge d’un deuxième opposant. Les longues lames du chaman firent sauter une tête, qui retomba mollement sur le sol dans des éclaboussures squameuses de sang.

Constantine émergea des décombres du système de canalisation. Deux mercenaires se tenaient dos tourné, trop occupés à viser ses camarades. Il arma son fusil d’assaut. Ses rafales impitoyables les jetèrent à genoux, le dos arqué sous le coup de la douleur soudain, et ils s’effondrèrent en convulsant.

Pris entre deux feux, les défenseurs furent massacrés, malgré toute leur hargne et leur expérience. Le dernier combattant s’affaissa lentement, du sang suintant de sous son casque. Les acolytes haletaient, mais ce n’était pas encore le moment de se reposer.

Constantine franchit la haute porte d’entrée, ses pas résonnant dans le hall désert. Des bribes de souvenirs défilaient de manière fugace dans son esprit. Des images de jours meilleurs, où ces ruines étaient encore bouillonnantes de vie et d’agitation… Des marchands déposant des caisses, des bateleurs au rire rauque. Sophia et lui, jouant à cache-cache dans les alcôves et les corridors. Mais ce temps était révolu, et il ne subsistait que des vestiges délabrés. C’était bien un tombeau, un caveau sombre et silencieux…

Il les guida dans le dédale de la citadelle. Il les connaissait encore par cœur. Il réprima l’envie de prendre le grand escalier central et de passer dans les anciens appartements de sa mère, préférant couper à travers les quartiers des serviteurs, les cuisines, puis se frayer un chemin à travers les offices des scribes et les geôles. Il s’attendit parfois à entendre le ton courroucé d’un précepteur, lui demandant ce qu’il faisait là. Mais les couloirs étaient déserts et dénués de vie.

En longeant les cachots, il entendit le raclement de chaînes et un sanglot étouffé. Il lorgna à travers les barreaux de la cellule, pour voir une frêle silhouette maladive. L’odeur des excréments et de l’urine était forte, celle de la décomposition aussi. Une jeune fille le regardait, terrifiée, les yeux fous et hagards. Ses cheveux sales et gras lui retombaient sur le visage, et elle était quasiment nue sous ses haillons. Sa peau pâle était meurtrie par de nombreuses ecchymoses… Elle ne devait pas avoir plus de quinze printemps.

Dans la geôle voisine, un vieil homme était en train de gémir, complètement dénudé. Son corps flasque était recouvert de mucus translucide, et constellé de trous suppurants. Il lui manquait son bras gauche, et la blessure avait été grossièrement suturée au niveau de l’épaule. C’était comme s’il avait été dévoré par des asticots, tout en restant en vie. Mais malgré son apparence cadavérique, Constantine le reconnut. Feldren Spiel, l’ancien intendant de son père…

Dans la troisième cellule, une femme d’une quarantaine d’année était allongée sur le dos, sans vie. Ses jambes avaient été coupées, l’une au genou, l’autre à la hanche, de la même manière que le bras de Spiel. Des vers noirs grouillaient sur sa peau comme des phalanges boursouflées. Il la reconnut aussi, Lisara, l’une des dames de compagnie de sa mère. Il se souvint qu’elle l’avait bercé et lui avait murmuré des paroles douces et réconfortantes, alors que les canons faisaient trembler le palais…

Ils ne pouvaient pas encore s’occuper des prisonniers. Ils reviendraient les délivrer une fois leur mission accomplie…

L’odeur de la putréfaction s’intensifia soudain, au point de devenir suffocante. Les acolytes se figèrent sous le coup de l’horreur. Devant eux se dressait un charnier immonde. L’ancienne salle des jugements était remplie de cadavres blafards. Les corps étaient entassés, leurs membres entremêlés dans une étreinte funeste, formant un monticule de plusieurs mètres de haut. Constantine lutta pour ne pas vomir. Il y avait des femmes, des hommes, des enfants, tous dans un état de décomposition avancée. C’était donc à cet endroit que le Syndicat amenait tous les corps… Mais pourquoi ?

Venria se détourna de ce spectacle morbide. Que se passait-il ici ? Elle entrevit un mouvement dans les ombres. Quatre soldats sortirent de couloirs attenants. Ils combattirent parmi les cadavres, leurs yeux à demi liquéfiés les dévisageant avec reproche.

Une fois le dernier des assaillants tué, ils quittèrent cet endroit. Graham demanda à Tilbaren de s’occuper des prisonniers. Ils ne pouvaient décemment pas les laisser à proximité d’une telle infamie…

Les lourdes portes de la salle du trône étaient à demi closes. Elles se dressaient devant eux, menaçantes. Constantine observa l’endroit où le bélier avait fait céder la barre. Il ne se souvenait que trop bien des coups assourdissants, des cris étouffés de Lisara et de Nella. De Gyserus tirant son épée. De sa mère lui murmurant que tout irait bien… Pourquoi ne se souvenait-il pas de son visage ?

Urdos et Strygos ouvrirent chacun un battant de la porte, dont les charnières crissèrent douloureusement. La longue complainte résonna dans la salle avant de se taire, comme une nuée de harpies.

Tout le long de la salle cérémonielle, des flambeaux avaient été allumés à la base de chaque colonne massive. Ils brûlaient d’une lueur verdâtre et sépulcrale. Entre chaque pilier, les fenêtres en ogive étaient obstruées par de lourds rideaux mités, plongeant la pièce dans une pénombre angoissante… De l’autre côté, sur l’estrade seigneuriale, une silhouette massive et corpulente se dressait devant l’antique trône des Narsès, auréolée d’un dais en lambeaux.

Vêtu d’atours princiers, élaborés à mi-chemin entre les habits d’un prêtre et d’un marchand de haut rang, Coriolanus Vestra fixait les nouveaux arrivants avec un sourire carnassier peint sur le visage. Ses bajoues flasques et fardées s’évasaient en un hideux triple menton. Ses yeux étaient grimés, mais son maquillage coulait autour de ses yeux injectés de sang. Son crâne chauve luisait dans la lueur morbide, tout comme les lisérés d’or de ses vêtements. Mais tout en lui respirait la décrépitude. Sa chair était maladive, tâchée autour des lèvres, ses habits étaient déchirés et élimés, son vernis à ongles noir était écaillé…

Il était aussi grand qu’il était obèse, mais son embonpoint n’atténuait en rien le sentiment de danger qu’il dégageait. Peut-être était-ce à cause de la pantagruélique épée tronçonneuse qui était plantée dans le sol à côté de lui… Sa main était posée sur son pommeau en forme d’astre d’onyx, mais il la retira pour écarter les bras en signe de bienvenue.

- Bienvenue, cher Constantine Narsès. Sais-tu que j’ai écumé ciels et terres à ta recherche… Et voilà que tu te présentes à moi. Béni soit l’Empereur-Dieu ! Ma patience et mes efforts ont été récompensés !

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