jeudi 3 décembre 2009

DARK HERESY – MAGGOTS IN THE MEAT : RESUME, PART.8



- Viens à moi, mon enfant. N’aie pas peur. Je ne te veux aucun mal.

Constantine cligna des yeux, et il sentit la soudaine et violente pulsion d’aller le retrouver. Mais la sensation reflua petit à petit, remplacée par une vague de sueurs froides... Le visage disgracieux de Coriolanus Vestra se durcit, vraisemblablement contrarié. Il retira son épée noire du sol et descendit les quelques marches de l’estrade.

- Viens à moi. Joins-toi à moi, et tu recevras ton véritable héritage. Le sang du Héraut coule dans tes veines…

Le pachyderme vint lentement à leur rencontre, tendant vers eux une main ornée de lourdes bagues dorées. Seuls étaient perceptibles les sons ténus de ses pas effleurant le sol, dans un doux froissement de robes. Les acolytes encadrèrent Constantine. Venria s’avança brusquement, braquant son fusil à pompe sur le mastodonte. Strygos la ramena à la raison.

- Il nous le faut vivant !

La Sororitas étouffa un juron, et tressaillit lorsque la pointe de l’épée tronçonneuse heurta le sol. Le prêcheur continua d’avancer, les dents acérées de sa lame raclant sur les dalles, dans un crissement suraigu. Il souriait toujours. Une grimace avide et vicieuse…

- Qu’il aille se faire foutre !

Plex s’avança et tira sans semonce sur l’hérétique. La balle toucha le faux prêtre à l’épaule, projetant une fine bruine de sang, mais Vestra ne sembla nullement affecté. Il se tourna vers le gêneur tandis que ses yeux s’illuminaient d’une lueur verte.

- Meurs !

Une décharge biomantique fouetta l’air devant lui, projetant des tentacules glauques de plasma vers Plex et menaçant de le vitrifier. Mais les appendices éclatèrent avant de le toucher, comme balayés par une force invisible. Vestra gronda en se tournant vers la silhouette voûtée et encapuchonnée qui s’avançait parmi les acolytes. Ragaana recula d’un pas en sentant l’aura de Boucles d’Or lui donner des nausées…

Les yeux de Vestra s’écarquillèrent soudain. Un grondement guttural résonna dans sa gorge.

- Vous avez osé amener une intouchable ?

Avec une rapidité étonnante vu sa corpulence, il enclencha et leva son épée tronçonneuse. La lame rugit, vrombissant comme si les portes de l’enfer s’étaient soudain ouvertes. Venria dégaina sa lame et vint parer les dents grondantes, mais son épée fut presque emportée sous la violence du choc. Elle tituba, désarçonnée par l’impact, et chercha à bloquer une nouvelle attaque avec son épée fissurée. Mais Coriolanus avait déjà soulevé sa lame, et l’abattit de nouveau vers la techno-adepte.

Ragaana recula, impuissant en présence de Boucles d’Or. Plex, Dakka et Constantine tirèrent sur le prophète, qui esquiva certains tirs et en encaissa d’autres. Zek vit la servante de l’Omnissiah esquiver l’attaque, mais remarqua aussi la vitesse phénoménale avec laquelle les plaies de Coriolanus Vestra se refermaient une fois hors du rayon d’action de l’intouchable.

Graham Strygos et Urdos Garm vinrent presser Vestra pour le conserver à la lisière de l’influence de la paria. Hurlant de fureur, le prêtre renégat asséna des coups rageurs dans leur direction. Les dents raclèrent l’armure et la chair du prêtre du Macchabeus, l’envoyant bouler contre le mur. Dans sa chute, il heurta un brasero, qui enflamma un épais rideau.

Dans la lueur grimpante des flammes, Vestra porta un nouveau coup, que la techno-adepte ne parvint pas à éviter. L’épée vrilla en déchirant sa tunique et crissa contre du métal. Elle s’effondra dans un suintement de liquides huileux. Alors que la main du traître cherchait à agripper Constantine, Zek enfonça l’une de ses lames dans le coude de l’hérétique. Strygos frappa les tendons de sa cheville et parvint à les sectionner. Venria plongea sa lame dans son épaule, lui faisant lâcher son épée, qui claqua sur le sol et continua de s’agiter quelques secondes avant de s’éteindre. Quint enfonça un couteau dans son dos.

A genoux, Vestra hurla de douleur. Encore dans le rayon d’action de l’aura de Boucles d’Or, qui se redressait péniblement sur son coude tout en retenant l’épanchement de ses boyaux mécaniques, ses blessures ne parvinrent pas à se refermer. Son regard devint hagard, alors que de la bave coula de sa lèvre inférieure. Sa tête dodelina lentement en avant, et il s’affaissa sans pour autant tomber au sol, recroquevillé mais retenu à genoux à cause des replis de sa graisse.

Ragaana tenta de contenir la nausée. Mais son corps était encore affaibli par les contrecoups du Warp qu’il avait subis. Il se souvenait de sa période de coma, de ses délires enfiévrés…

Il était à genoux, et contemplait le globe luminescent d’une planète depuis la baie vitrée. Son regard survola sa surface, et parcourut, sous les spirales de ses nuages, les étendues sauvages de ses déserts, ses savanes, ses chaînes de montagne colossales et ses vallées monumentales… Seules les zones septentrionales et méridionales extrêmes laissaient entrevoir des forêts sombres. Orbitant autour de la planète, une lune ténébreuse dérivait lentement… La seule partie illuminée du satellite, un mince croissant dessiné comme une griffe, révélait l’atmosphère viciée de ses marécages bruns et jaunâtres. Tout autour du vaisseau, une flotte titanesque patientait, comme figée dans le vide de l’espace.

Une présence se tenait à ses côtés. Une silhouette massive, impériale. Le Primarque contemplait lui aussi le satellite décrire son arc gracieux, à travers les vitres blindées et polarisées.

- Davin.

Horus se tourna vers lui, majestueux, glorieux, auguste... Il portait un ensemble de robes lacées par des cordelettes d’or blanc et de cuivre, sur une armure faite de plaques de couleur vert émeraude. Sur son plastron, la pupille fendue de l’œil du Maître de Guerre luisait dans la pénombre.

- Mes derniers souvenirs et mes derniers jours de gloire, avant que mon nom ne soit entaché à jamais par l’infamie…

Les yeux du Primarque se reposèrent à nouveau sur la sombre lune, dont la faucille éclairée s’étiolait lentement, alors qu’un voile de tristesse et de regret passait sur son visage.

- Nous n’étions pas préparés.

Il lui raconta sa lutte contre les armées de morts pestiférés, son duel éprouvant face à son vieil ami Eugen Temba, la douleur que lui avait causé la blessure faite par l’Anathame. La fièvre, les délires… Sa confrontation face aux puissances du Chaos.

- Sa peste avait gangrené ma chair, et cherchait à souiller mon âme. Mais comment aurions-nous pu savoir ? Nous étions totalement ignorants. Leurs visions fissurèrent mes certitudes, et par les brèches créées par mes doutes, ils réussirent à m’atteindre et à se déverser en moi…
- Tu veux quoi, traître ? Le pardon ?
- Non. Je ne cherche nulle clémence. Seulement à expier ma faute, et à réparer mes erreurs. Des nuages sombres s’amassent à l’horizon. La dernière bataille pour l’âme de l’Empereur. Et je compte bien jouer mon rôle, tel qu’il me l’a ordonné.

Soudain, Ragaana entendit un grand fracas faire trembler la porte de la salle d’observation. Il sursauta, se tournant vers le bruit.

- Il est là. Il cherche à nouveau à nous corrompre.
- Qui ?
- Celui que tu as courroucé. Tu as murmuré son nom à l’Anathame, et ouvert une porte par laquelle il peut désormais entrer. Je parviens à le garder au-dehors, mais tôt ou tard, il finira par percer ma volonté…

Ragaana riva ses yeux sur la porte, alors qu’elle était agitée d’une nouvelle secousse.

- Mais ce n’est pas lui que tu dois craindre pour le moment. Il est là, à vous observer. Il vous a suivi, à la lisière entre notre monde et le leur. Et vous allez l’amener droit vers…

Les paroles d’Horus furent noyées dans le silence. Ragaana tourna son regard vers Davin, comme si ses yeux étaient attirés par un aimant. La lune obscure était désormais au centre de la planète, entièrement noire. Un œil, fixé sur lui, terrible et inflexible… Les images perfides de l’Astre Tyran lui revinrent en tête, alors qu’il trônait dans le ciel de Géhenne. Des larmes coulèrent sur ses joues…


Il se tenait parmi eux. Comme s’il avait toujours été là. Mais ils sentirent sa présence bien avant qu’ils ne le virent. Il était vêtu d’une lourde pelisse noire en haillons, dont les lambeaux s’agitaient comme des serpents sur un vent absent. Sous sa capuche, ses yeux étaient entièrement noirs, mais semblaient pourtant contenir toute la lumière des étoiles. Son visage grisé était entouré d’un col de fourrures noires. Sur la surface de son manteau, les acolytes virent tournoyer des silhouettes, des membres, des visages, des corps torturés et faméliques. Ou étaient-ce des plumes luisantes qui frétillaient, noires et lustrées comme celles d’un corbeau ? Ou bien des nœuds de couleuvres entortillées ?

Ses lèvres noires souriaient. Constantine sentit ses boyaux se liquéfier, il claqua des dents, ne pouvant empêcher ses membres de trembler. Dakka resta bouche-bée, incapable de bouger, incapable de respirer. La bave coulait de ses lèvres, et son esprit hurlait derrière ses yeux exorbités. Garm éclata d’un rire fou et malsain, tandis que des larmes coulaient de ses yeux. Quint tomba à genoux, les yeux perdus dans le vague, accablée par un désespoir morbide.

Strygos se lacéra les bras à plusieurs reprises en s’esclaffant, animé par une fureur démente. Ragaana sentit un liquide chaud couler le long de ses jambes tandis qu’il se griffait le visage… Zek cracha de la bile sur le sol couvert de givre. Seule Boucles d’Or se contenta de le dévisager avec animosité.

Toutes les flammes des braseros semblèrent soudain s’éteindre, comme si la présence absorbait la lumière alentour. Une nuit implacable sembla envahir la pièce.

Plex hurla de terreur et rampa jusqu’à un mur. Mais malgré la folie qui s’insinuait dans son cerveau, il le reconnut. Il prononça un nom.

- Calen.

L’homme se tourna vers lui, et sembla soudain songeur.

- Autrefois, peut-être…

Venria pria pour que l’Empereur-Dieu les prenne en pitié. Elle sentit une rage immense l’envahir, et parvint à chasser la terreur de son esprit. Elle hurla en brandissant son fusil, invoquant Sa furie en récitant des psaumes, et tira de nombreuses décharges sur l’intrus, à bout portant… Mais les éclats de shrapnel qui frappèrent le manteau de l’inconnu ne lui firent rien. La surface grouillante de la pelisse fut agitée de remous. C’était comme de lancer des gravats dans une mare profonde. Il continuait d’avancer comme si de rien n’était, insensible à ses tentatives de l’arrêter.

- Très Saint Empereur-Dieu, donnez-moi Votre force !

Elle fit appel à toute sa rage, et sentit une énergie sacrée emplir son être. Elle murmura des prières en levant son épée, et chargea la silhouette d’ombre pour l’abattre de son poing armé du feu divin. L’inconnu se tourna vers Venria. La lame pénétra jusqu’à la garde la surface de son manteau, qui fut agité de tremblements et de vaguelettes huileuses… Puis la lame explosa.

- Tu ne peux rien contre moi. L’Empereur-Dieu est de mon côté.

Le manteau s’anima soudain, et des tentacules d’ombre fouettèrent l’air. Les pseudopodes enlacèrent Venria, qui hurla de douleur en sentant comme des milliers d’aiguilles lui lacérer les bras, le torse et le visage. Le monde tournoya tout autour d’elle, alors qu’elle plongeait son regard horrifié dans celui de l’intrus. Elle y vit des astres, des galaxies… Les rouages complexes de l’univers.

Une bise mordante soufflait sur les montagnes enneigées, soulevant des brumes de poudreuse au-dessus des crêtes rocheuses. Un tunnel avait été creusé dans la roche noire et glacée, et descendait dans les entrailles de la terre. Une succession d’escaliers et de plateformes, que longeaient des séries de statues de saints désormais oubliés, et dont les visages avaient été effacés par le temps. Des cierges et des photophores étaient allumés un peu partout, et de la cire dégoulinait sur des piédestaux et les marches. Le souterrain était large, et le chemin élimé par des siècles de passage.

Elle regarda les figures usées, frissonnant de froid, mais aussi de peur. Une main burinée se posa sur son épaule, et elle leva les yeux. Son grand-père se pencha vers elle, la toisant de toute sa hauteur. Sa petite main vint chercher celle du vieil homme et la serra fort. Il était grand, et fort, et sa présence était réconfortante…

- Tu dois être forte, petite…

Elle hurla tandis que les seringues perçaient sa peau. Elle tenta de se débattre, mais elle était clouée sur la table d’opérations, agrippée par d’épais liens de cuir et de métal. L’homme aux yeux perçants était penché sur elle et lui caressait la tête, tandis qu’une structure métallique armée de dizaines de bras mécaniques terminés par des aiguillons ponctionnait sa chair en de multiples endroits. Au-dessus des méchadendrites, des cuves transparentes étaient emplies de liquide bleuté, mais au gré des piqûres, leur niveau baissait. Il entendit la voix de son grand-père.

- Atxet !

L’homme aux yeux perçants le toisa avec détermination.

- Elle va bien, Harald.
- Doit-elle souffrir de cette sorte ?
- Nul processus psychoactif ne se crée sans douleur… Elle vivra. Déjà, je sens les pigments du minerai se lier avec son potentiel psychique, et avec ceux de notre… hôte.
- Fallait-il que ce soit elle ?
- Notre sang est devenu faible. Si nous avions pris le garçon…

Elle pleurait, désormais. Pourquoi son grand-père lui infligeait-il tant de souffrance ? L’homme aux yeux perçants se tourna à nouveau vers elle. L’air autour de lui sembla vibrer et tournoyer, tandis que ses pupilles devenaient deux petits points noirs dans ses yeux autrement blancs.

- Tout va bien. Tout sera bientôt terminé.

- La fin est proche, Empereur.

Venria se trouvait dans une salle de trône colossale. En face d’elle se dressait un grand trône d’onyx, surmonté d’un gigantesque œil à la pupille fendue. Le globe était ceint par de grands disques d’or, et pulsait d’une lueur écarlate. Au-dessus du dais et des fresques dorées de scènes de bataille qui couvraient le mur, des bannières élimées d’un pourpre sanguin pendaient depuis des balconnets innombrables. Autour des marches noires de l’estrade, de nombreux corps gisaient dans des mares de sang. Des corps d’Astartes. Elle vit une tête tranchée à ses pieds, coiffée d’un casque arborant un long panache de plumes noires maculées d’hémoglobine. De nombreuses hallebardes énergétiques et lames tronçonneuses jonchaient le sol, certaines brisées, d’autres encore intactes.

D’autres corps, des Astartes eux aussi, étaient difformes et terrifiants, et leur visage était couturé. Les Marines du Chaos arboraient des armures noires et balafrées. Dans leurs mains, des armes ignobles et hérétiques. Des crânes et des visages dépecés étaient épinglés aux rivets de leurs épaulettes.

Elle discerna une silhouette imposante couchée parmi les cadavres… Elle était bien plus grande et massive que les Space Marines, revêtue d’une armure dorée. Une peau de léopard barbouillée de sang couvrait son épaule et une partie de son torse, tandis que deux gigantesques ailes d’aigle, qui lui servaient de cape, étaient étalées sous son corps brisé. Sur son plastron, un cœur embrasé serti d’ailes déployées faisait écho au sang qui couvrait son corps.

Son épée couleur de sang gisait brisée à son côté. Des mèches de ses longs cheveux châtain et trempés de sueur tombaient en travers de son visage, qui affichait une expression de détresse et de tristesse infinies. Un disque d’or auréolait sa tête inclinée, comme un astre aux flammèches dansantes…

Deux armes s’entrechoquèrent.

Alarmée, elle détourna la tête, et vit du coin de l’œil, à travers la baie vitrée, se dérouler une bataille cyclopéenne. Des myriades de vaisseaux bataillaient dans l’obscurité de l’espace. Des croiseurs, des frégates, des barges de bataille s’entremêlaient dans une lutte terrible. Des nefs bombardaient une planète sombre, et sillonnée de nuages jaunâtres et viciés. Ses continents-ruches étaient parcourus de déflagrations monstrueuses, son atmosphère embrasée sous un feu nucléaire…

Une lame énergétique fuma en traçant un arc complexe, ricochant sur un gantelet griffu. Un marteau tournoya avant de s’abattre sur le sol… C’était un duel de colosses.

L’un était paré d’une armure d’or flamboyante et étincelante. Sa cape d’un riche rouge virevolta alors qu’il esquivait une nouvelle frappe de son adversaire. Ses épaulettes étaient chacune ornées d’un aigle aux ailes déployées, et sur son plastron trônait l’Aquila bicéphale de l’Empereur-Dieu de l’Humanité. Son visage était surmonté d’une couronne de lauriers en or, et derrière sa tête, un rapace ambré veillait, inflexible et imperturbable. Il tenait dans sa main droite une épée enflammée, et son poing gauche était enchâssé dans un gantelet aux griffes acérées.

Venria tomba à genoux, alors que des larmes coulaient le long de ses joues.

Face à lui, un titan de métal noir le toisait de toute sa hauteur. Son armure ténébreuse aux lisérés d’or était incrustée de gemmes rouges en forme d’yeux malfaisants. Elle était couverte de crânes et de peaux humaines ensanglantées et pourrissantes. Ses épaules étaient couvertes de fourrures sombres. Son bras gauche brandissait un lourd marteau anthracite riveté d’or, tandis que sa main droite se terminait par de monstrueuses griffes annelées. Sa tête semblait emboîtée dans un cube de métal noir, reliée à son armure par de nombreux câbles cybernétiques. Une lueur infernale émanait de son gorgerin, illuminant son visage hideux d’un éclat démoniaque.

L’épée de feu trancha la tête du marteau, et frappa à nouveau. Le Maître de Guerre beugla soudain, et jeta son arme pour dégainer une épée ignoble. Il para le coup dans un panache d’étincelles.

Le duel continua pendant ce qui semblait être une éternité. La Sororitas pleurait, incapable de contrôler ses émotions alors qu’elle assistait au combat final de l’Empereur son Dieu. Puis elle vit, en étouffant un cri de désespoir, la lame d’Horus pénétrer profondément dans la poitrine du dieu vivant, et lui arracher une gerbe de sang. Elle hurla, supplia.

Il tomba à genoux, tandis que son ennemi levait une nouvelle fois son épée.

- Tu es faible, tout comme l’était ton cher protégé. Prépare-toi à mourir !

Soudain, elle entendit le bruit saccadé d’une rafale de détonations venant de derrière elle. Des bolts crépitèrent sur l’armure du traître, qui détourna le regard une fraction de seconde. Un Astartes s’était relevé, arborant de cruelles blessures, et avait tiré dans un dernier accès de furie. Horus hurla, et une vague d’énergie incandescente vitrifia le pauvre guerrier.

Mais c’était tout ce dont avait besoin le Maître de l’Imperium. Venria vit ses yeux s’illuminer d’un feu aveuglant et son armure se couvrir de givre, tandis qu’il se ruait sur Horus. Il était baigné d’une lueur divine, pure et ardente. Le Champion du Chaos hurla, de douleur cette fois, tandis qu’il posait un genou à terre. Ses traits se déformèrent et reprirent de la couleur. Ses yeux noirs se vidèrent de leur obscurité, et un homme, et non plus un démon, fit face à l’Empereur.

Horus cligna des yeux, dans l’incrédulité et l’incompréhension la plus totale.

- Père…

Puis il remarqua la blessure dans la poitrine de l’Empereur-Dieu, l’épée ensanglantée dans sa main, et ses yeux s’emplirent d’effroi. L’Empereur se contenta de sourire.

- Qu’ai-je fait ?
- Ne t’inquiète pas, mon fils. La blessure que tu m’as infligée n’est pas mortelle. Tout cela, je l’avais vu. Tout cela fait partie de mon plan. Ecoute-moi attentivement, car nous n’avons que peu de temps. Je t’ai choisi car tu étais, entre mes fils, le seul à qui je pouvais confier cette tâche. Ta volonté est forte. Suffisamment pour faire face aux changements et à la tempête qui se profile. Suffisamment pour défier l’influence des puissances tapies dans le Chaos.
- Ainsi, vous saviez…
- J’ai cherché à les détruire, mais j’ai pris conscience avec amertume que la Grande Croisade censée les oblitérer était vaine. Ecoute-moi, Horus, car ce que je vais te dire t’accablera. Ton âme restera emprisonnée durant des millénaires, mais elle sera sauvegardée. Le moment viendra où tu seras libéré. Alors, une grande tâche t’incombera. Celle de livrer la dernière bataille pour le salut de mon âme. Le monde est en train de changer, ainsi que la vérité impériale. Mais cela est nécessaire. Et je me dois de laisser ces changements se produire.

Soudain, Horus convulsa. Son souffle se fit rauque et haletant. Ses traits se tirèrent sous le poids de la souffrance.

- Va, maintenant, mon fils. Ton corps est souillé, mais pas ton âme. Rappelle-toi de cela !
- Père !

Le cri du Maître de Guerre se mua soudain en un feulement éraillé, tandis que son âme était aspirée à nouveau hors de son corps. Ses traits se tordirent à nouveau, retrouvèrent leur pâleur diabolique. Ses yeux prirent la teinte de la braise, puis celle d’une noire fumée. Le visage de l’Empereur se durcit, et l’air se mit à trembler et à scintiller autour de ses épaules.

- Meurs, maintenant, démon !

Un éclair blanc et aveuglant foudroya le corps possédé d’Horus, tandis que sa chair se lézardait et se consumait de l’intérieur. Des runes hérétiques écarlates apparurent sur son corps, mais se brisèrent, tandis qu’un rugissement inhumain jaillissait de sa gorge. Ses yeux fumèrent, sa bouche exhala une fumée nocive… L’Empereur-Dieu plongea sa lame brûlante dans le cou du champion, et transperça sa tête dans un geyser d’étincelles. Une ombre funeste s’éleva en ondoyant au-dessus de son corps.

- Tu périras, homme !
- Disparaissez, engeances impies. Votre chute viendra, j’en fais le serment.

La fumée maléfique se dispersa, et le Souverain de l’Humanité se laissa choir, un sourire sur le coin des lèvres. Il entendit des pas empressés dans le corridor, et les nombreux cris de ralliement de ses loyaux guerriers.

Un autre combattant entra dans la vaste salle. Il était vêtu d’une armure d’or aux entrelacs complexes et surmontée d’un aigle jaillissant. Ses cheveux blancs et courts contrastaient avec le jais de ceux de son père. Il portait un tabard zébré de trois éclairs rouges et tenait une longue épée tronçonneuse au pommeau ailé. Son visage austère balaya la salle et s’emplit de chagrin en voyant la silhouette tombée de son frère. Puis ses yeux dérivèrent vers le corps de son Empereur, et ses traits se muèrent en une expression d profonde horreur.

Il se rua vers son suzerain et s’agenouilla à ses côtés, lâchant son arme pour soutenir ses épaules.

- Maître !

Le visage de l’Empereur-Dieu exprimait de la souffrance, mais demeurait fixé vers le cadavre inerte de son fils bien-aimé.

- Rogal…
- Je vais vous aider à vous relever, Monseigneur.
- Rogal, écoute-moi. Je me meurs. Je ne survivrai pas à cette blessure…
- Non !
- Horus est mort. Sanguinius est tombé. Je ne tarderai pas à les suivre… A moins…
- Que dois-je faire, mon père ?
- Aide-moi à regagner Terra, avant que mes forces ne me quittent…

Le Primarque des Imperial Fists souleva son Empereur et l’aida à marcher vers la sortie pour regagner son oiseau d’assaut. Des Astartes en livrée jaune et portant sur leur épaulette gauche le poing brandi de leur légion s’écartèrent, transis d’horreur. Ils les regardèrent passer en silence, trop accablés par cette vision pour pouvoir parler.

L’Empereur-Dieu se retourna, et sembla fixer Venria. Elle sentit son cœur s’arrêter de battre dans sa poitrine, tandis que les larmes continuèrent d’embuer ses yeux. Et il lui sourit avec affection.

Mais peut-être jetait-il seulement un dernier regard sur ses fils tombés…


Elle tombait. Ses jambes se dérobaient sous elle. Lentement, si lentement. Son regard brumeux fut soudain arraché à celui de l’inconnu, et elle bascula en arrière. Lentement, si lentement. Il souriait, mais son esprit était engourdi, et plus rien ne semblait avoir de sens. Les sons étaient étouffés, ouateux. Un gouffre sombre s’ouvrait sous elle. Un abysse de silence. Le monde semblait vague et indistinct. Ses sens cotonneux se muselèrent un à un. Elle ne sentait déjà plus son corps.

Son regard dériva le long des murs, vers le plafond, alors qu’elle chutait. Sa tête heurta le sol, mais même le choc lui sembla atténué. Alors que la torpeur se refermait doucement sur elle, elle vit le visage d’une femme sur un tableau noirci. C’était une femme aux longs cheveux noirs et au teint de porcelaine. Ses yeux étaient d’un bleu profond, et un mince sourire éclairait ses lèvres pâles. Elle était belle. Un temps, elle crut que c’était un miroir. Elle lui ressemblait tellement… Tellement.

Le puits d’obscurité se referma sur elle.

L’apparition continua d’avancer, et se pencha sur le corps de Vestra. Il leva une main, et la posa sur le crâne du traître. Le prêcheur hérétique hurla en se tordant de douleur. Il s’arqua violemment en arrière, tandis que sa chair commençait à noircir, à se consumer, à s’effriter. Sa peau se fissura et se morcela, ses vêtements s’embrasèrent d’un feu noir. Dans une atroce odeur de viande brûlée, sa chair se carbonisa, s’émietta en cendres, révélant un squelette noirci, qui à son tour se désagrégea en un panache de poussière. Il ne subsista plus qu’un crâne charbonneux dans la main de l’inconnu.

- Je suis le seul Prophète de l’Astre Tyran. Quiconque prétendra le contraire périra.

Le prophète serra la main, et le crâne éclata en des centaines de fragments anthracite. Puis soudain, il disparut comme il était venu, emporté par le néant. Comme s’il n’avait jamais été là. Comme s’il n’avait jamais existé…

mercredi 2 décembre 2009

DARK HERESY – MAGGOTS IN THE MEAT : RESUME, PART.7



Les vagues grisâtres et chargées d’écume firent place aux eaux brunes et stagnantes des marais. Le ciel pâle fit place aux brumes ocres et pestilentielles. Sous le Xenoship, les silhouettes sombres des arbres noirs et squelettiques de la forêt noyée défilaient comme autant de spectres faméliques, leur écorce et leurs branches suintant et exsudant la pourriture. Des mains implorantes et tortueuses jaillissant de la vase, enserrant parfois dans leurs griffes le cadavre d’un animal rongé par les vers, ou la carcasse décharnée d’une embarcation humaine…

En face de lui, Urdos Garm fit cliqueter le chargeur de son bolter lourd pour en vérifier les balles. Zek méditait à l’écart, les yeux clos, tandis que Strygos ajustait ses gants noirs. Jocelyn décocha un clin d’œil à Constantine avant de boucler son holster autour de ses hanches. Ragaana, à peine remis des contrecoups du Warp, conversait fébrilement avec Dakka. Venria, quant à elle, scrutait le brouillard, enfermée dans le silence. Pericycllos était plongé dans la lecture d’un grimoire. Livan Tilbaren murmurait des prières muettes à l’Empereur-Dieu en humant les fumées serpentines de son bâtonnet d’encens. Plex jouait négligemment avec un cure-dents, mais ses mains se crispaient et se décrispaient tour à tour. Il avait besoin d’en découdre. Boucles d’Or, enfin, avait les yeux rivés sur l’horizon, aux commandes du Pellenshir.

Graham vint s’installer sur le siège de la gatling, ajustant son harnais et vérifiant les munitions et les pistons du gyrostabilisateur. Constantine regarda à travers les hublots et chercha à apercevoir les autres barges, qui se dévoilaient sporadiquement entre les méandres de la brume. Ils volaient bas pour éviter toute détection et le gros des tirs antiaériens. Mais il ne se faisait pas d’illusion. L’ennemi serait prêt pour les accueillir.

- Tu sais que c’est un piège, hein, Constantine, là. C’est toi qu’ils veulent, et tu vas dans la gueule du tigre-rasoir.

Il regarda Ragaana, rivant son regard au sien. De lourds cernes s’étaient creusés sous ses yeux, et ses lèvres étaient agitées de spasmes maladifs.

- Je sais, mais je dois découvrir pourquoi il cherche à me capturer.
- Hé, parfois, mec, vaut mieux laisser les trucs dormir…
- Pas cette fois-ci, Raga.
- C’est comme tu veux, mec.

Sans se détourner des schémas de trajectoire hololithiques qui défilaient devant ses yeux, Boucles d’Or avertit ses compagnons de sa voix monocorde de leur arrivée imminente.

Strygos se tourna vers les acolytes.

- Vous savez quoi faire. Le Pellenshir se positionnera au-dessus du port selon les coordonnées que nous a communiqué Constantine Marsimus. Vous serez le fer de lance. Mes acolytes couvriront votre avancée. Mais nous ne serons pas loin derrière. Une fois le port sécurisé, nous escorterons la techno-adepte jusqu’à vous. Faites en sorte de dégager le passage.

Dakka acquiesça en enfilant son gilet pare-balles et ses grenades en bandoulière.

- Nous savons que les ennemis se sont positionnés le long de l’enceinte de l’ancienne ville. Des chasseurs produiront un tir de barrage pour nous permettre de percer les défenses et de cibler le cœur de la cité, l’ancien palais Narsès.

Pour faire écho aux paroles de Graham, ils entendirent résonner les premiers tirs des batteries sol-air. Les projectiles sifflèrent, suivis de déflagration. Le vaisseau vibra sous les explosions…

- Accrochez-vous.

A l’avertissement de Boucles d’Or, tous se cramponnèrent aux rambardes.

Boucles d’Or inclina soudain le manche. Le Pellenshir piqua vers les eaux brunâtres, tandis que tout dans l’habitacle se mettait à cahoter avec furie. Elle commença à louvoyer à quelques mètres du sol. Le vaisseau dessina de hautes stries dans son sillage, ses réacteurs soulevant de lourdes masses d’eau à plusieurs mètres au-dessus du sol. Derrière eux, l’eau laissait une bruine irisée en retombant.

Ils jurèrent tous sous le coup du choc de l’accélération. La mâchoire crispée, Constantine respira par saccades. Venria sembla soudain exulter, tandis que Garm grognait lui aussi, sa taciturnité soudain fissurée sous le coup de l’excitation. Dakka resta immobile, les yeux clos. Combien de fois avait-il ainsi débarqué sur une zone de guerre ? Il ne pouvait rien faire. Juste prier pour son salut et celui de ses compagnons.

Des branches rabougries craquèrent sourdement contre la coque. Les arbres décrépits éclatèrent sur leur passage. Au-dessus d’eux, des déflagrations continuaient d’agiter les cieux. Un lander explosa en plein vol, frappé de plein fouet par un missile. Le vaisseau embrasé s’abîma dans les eaux putrides en propulsant un geyser de boue, laissant une mare de Prométhéum incandescent aux volutes de fumée noirâtre…

Le ciel n’était plus qu’une pluie de projectiles incandescents. Une autre barge fut criblée de bolts lourds. Le vaisseau dériva, disparut un instant dans les lambeaux de brume, avant de s’entrechoquer à un autre appareil. Le premier se désintégra sous le choc tandis que le second disparaissait dans une traînée de napalm ardent.

Le Pellenshir perça une langue de brouillard. Devant eux se dressait enfin l’ancien castel des Narsès, devenu une sombre nécropole abandonnée, un tombeau régnant sur les marécages. Constantine fixa des yeux son domaine en ruines, ses tours effondrées, ses fenêtres désormais vides comme les orbites de centaines de morts. Au-dessus de la forteresse, deux vaisseaux fuyaient vers l’espace.

Boucles d’Or passa à côté d’une muraille délabrée. Une batterie antiaérienne y avait été positionnée. Les tirs ricochèrent sur le bouclier et le blindage du Xenoship, faisant trembler le cockpit. Elle suivit son avancée, cinglant sa coque sur tout son long, mais ne parvint pas à interrompre sa progression. Le Pellenshir frôla l’arme, et la noya sous des trombes d’eau…

D’autres vaisseaux alliés se placèrent en couverture de celui de l’Inquisition, afin d’empêcher les autres batteries de le cibler. Tout autour, des barges heurtaient les murailles et débarquaient des hommes. Les pontons s’ouvraient, et les soldats d’Orcan s’élançaient avec ardeur et courage. Les pirates du Syndicat, lourdement armés et caparaçonnés, affrontaient dans une danse de mort et de sang le fleuron des armées d’Ascandia.

Sur toute la ligne de front, des combats éclatèrent. Mais le Pellenshir n’interrompit pas sa course. Il fila droit vers la citadelle. Graham hurla aux autres acolytes.

- Nous avons percé le premier périmètre !

L’assassin ouvrit les panneaux latéraux de l’appareil, qui se déplièrent en laissant soudain entrer un vent cinglant et vociférant. Le poste de tir coulissa le long de rails pour se placer juste à l’extérieur du vaisseau, dans le grincement des vérins hydrauliques.

Le Pellenshir s’infiltra dans le port, au milieu des épaves de bateaux putréfiés. Les navires gisaient dans la fange comme les ossements de grands géants décharnés, là où ils avaient été coulés par les salves des canonnières adverses. Une forêt de mats et un cimetière de figures de proue larmoyantes… La haute flèche gothique du phare reposait dans les flots, décapitée, inclinée à quarante-cinq degrés comme en signe de soumission. Sa base était encore visible, à l’extrémité de la muraille, telle une souche élimée.

De l’autre côté, le beffroi se dressait encore fièrement, défiant, malgré les nombreux dégâts causés par les boulets de canons. La cloche qui avait sonné l’arrivée des troupes ennemies était encore engoncée dans sa pointe, mais elle était désormais rouillée, morne vigie silencieuse…

Des oiseaux s’envolèrent à l’arrivée du vaisseau, nuées bondissantes de noir et de blanc. Un échassier au long bec anthracite déploya ses longues ailes et fila vers le nord…

Les quais étaient couverts de gravats, les pontons arqués par le poids des années. Les marches menant des docks à la citadelle étaient obstruées par des pans de murs, des colonnes, des arches, qui s’étaient effondrés sous le pilonnage des balistes et des bombardes. Les fenêtres et les balcons, autrefois sertis de verres colorés et de vitraux, étaient désormais béants, comme des bouches soupirantes.

Mais aujourd’hui, ces ouvertures vomissaient des soldats hors-monde…

Ils se déployèrent rapidement sur les embarcadères et les appontements, avec une cohésion admirable, s’abritant derrière les éboulis, se couvrant mutuellement et se mouvant avec efficacité. Ces mercenaires étaient rompus au combat, et leur attirail ne laissait pas de doute sur leurs intentions. Ce n’était plus de simples éclaireurs spécialisés dans les interventions brèves et rapides, comme ils en avaient déjà rencontrés à Olrankan, mais des guerriers farouches et habitués à tuer. Ils arboraient une lourde armure pour une protection optimale, et brandissaient des bolters meurtriers.

La gatling de Strygos siffla en tournoyant, puis vociféra en arrosant l’ennemi d’un déluge de bolts. Partout, la pierre blanche éclatait, des panaches de poussière et de gravats giclaient et fusaient. Une statue fut criblée d’impacts de la taille d’un poing avant de s’effondrer et de rejoindre le reste des décombres.

Dakka sauta de l’engin, atterrissant lourdement sur le ponton. Sa jambe transperça les planches avariées. Il la retira sans se démonter, mit un genou à terre et se mit à canarder. Venria le suivit de près, profitant de son tir de couverture pour se réfugier quelques mètres en aval. Ce fut au tour de Ragaana et de Zek. L’assassin roula avec grâce sur le sol avant de s’élancer sur la droite, sans même marquer de pause. La racaille rejoignit Venria sur la droite, s’adossant au pilier couché en travers de leur route. Le chaman sauta au-dessus du pilastre pour ne pas se faire distancer par l’acolyte d’Ark-Ashtyn.

Constantine bondit à son tour, mais le bois pourri et fragilisé céda sous son poids. Il tomba à la renverse dans les eaux boueuses, se redressa en toute hâte en recrachant l’eau putride. Il scruta les environs, et se dirigea vers la berge, mais entrevit un moyen de contourner les défenseurs.

Venria dégoupilla une grenade et la lança vers les lignes adverses. La détonation envoya valser des éclats de pierre et de poussière. Dakka en profita pour avancer, catapultant lui aussi une grenade. Plex sauta hors de son abri et se fraya un chemin sur la droite, suivi de Venria.

Zek décochait couteau sur couteau, forçant l’ennemi à baisser la tête, tandis que Ragaana passait derrière lui et filait droit vers les eux. L’air siffla et se mit à luire d’une lueur verdâtre autour de lui, tandis que ses mains noircissaient et s’allongeaient pour former des griffes effilées et disproportionnées.

Le corps d’un mercenaire tournoya dans les airs, ses jambes arrachées par l’explosion. Plex ficha deux balles dans le torse d’un autre, tandis que les décharges de Venria mettaient un troisième adversaire à terre. Strygos continuait de mitrailler les stipendiés, et plusieurs s’effondrèrent lacérés.

Dakka fit choir un ennemi d’une balustrade, et continua d’avancer pas à pas, ses courtes rafales dardant à droite et à gauche. Derrière lui, Urdos Garm et Quint se laissèrent tomber sur les quais, et joignirent leurs tirs à ceux des acolytes.

Ragaana transperça de part en part un ennemi, avant de l’éviscérer. Le couteau de Zek taillada l’artère d’une cuisse, avant de trouver la gorge d’un deuxième opposant. Les longues lames du chaman firent sauter une tête, qui retomba mollement sur le sol dans des éclaboussures squameuses de sang.

Constantine émergea des décombres du système de canalisation. Deux mercenaires se tenaient dos tourné, trop occupés à viser ses camarades. Il arma son fusil d’assaut. Ses rafales impitoyables les jetèrent à genoux, le dos arqué sous le coup de la douleur soudain, et ils s’effondrèrent en convulsant.

Pris entre deux feux, les défenseurs furent massacrés, malgré toute leur hargne et leur expérience. Le dernier combattant s’affaissa lentement, du sang suintant de sous son casque. Les acolytes haletaient, mais ce n’était pas encore le moment de se reposer.

Constantine franchit la haute porte d’entrée, ses pas résonnant dans le hall désert. Des bribes de souvenirs défilaient de manière fugace dans son esprit. Des images de jours meilleurs, où ces ruines étaient encore bouillonnantes de vie et d’agitation… Des marchands déposant des caisses, des bateleurs au rire rauque. Sophia et lui, jouant à cache-cache dans les alcôves et les corridors. Mais ce temps était révolu, et il ne subsistait que des vestiges délabrés. C’était bien un tombeau, un caveau sombre et silencieux…

Il les guida dans le dédale de la citadelle. Il les connaissait encore par cœur. Il réprima l’envie de prendre le grand escalier central et de passer dans les anciens appartements de sa mère, préférant couper à travers les quartiers des serviteurs, les cuisines, puis se frayer un chemin à travers les offices des scribes et les geôles. Il s’attendit parfois à entendre le ton courroucé d’un précepteur, lui demandant ce qu’il faisait là. Mais les couloirs étaient déserts et dénués de vie.

En longeant les cachots, il entendit le raclement de chaînes et un sanglot étouffé. Il lorgna à travers les barreaux de la cellule, pour voir une frêle silhouette maladive. L’odeur des excréments et de l’urine était forte, celle de la décomposition aussi. Une jeune fille le regardait, terrifiée, les yeux fous et hagards. Ses cheveux sales et gras lui retombaient sur le visage, et elle était quasiment nue sous ses haillons. Sa peau pâle était meurtrie par de nombreuses ecchymoses… Elle ne devait pas avoir plus de quinze printemps.

Dans la geôle voisine, un vieil homme était en train de gémir, complètement dénudé. Son corps flasque était recouvert de mucus translucide, et constellé de trous suppurants. Il lui manquait son bras gauche, et la blessure avait été grossièrement suturée au niveau de l’épaule. C’était comme s’il avait été dévoré par des asticots, tout en restant en vie. Mais malgré son apparence cadavérique, Constantine le reconnut. Feldren Spiel, l’ancien intendant de son père…

Dans la troisième cellule, une femme d’une quarantaine d’année était allongée sur le dos, sans vie. Ses jambes avaient été coupées, l’une au genou, l’autre à la hanche, de la même manière que le bras de Spiel. Des vers noirs grouillaient sur sa peau comme des phalanges boursouflées. Il la reconnut aussi, Lisara, l’une des dames de compagnie de sa mère. Il se souvint qu’elle l’avait bercé et lui avait murmuré des paroles douces et réconfortantes, alors que les canons faisaient trembler le palais…

Ils ne pouvaient pas encore s’occuper des prisonniers. Ils reviendraient les délivrer une fois leur mission accomplie…

L’odeur de la putréfaction s’intensifia soudain, au point de devenir suffocante. Les acolytes se figèrent sous le coup de l’horreur. Devant eux se dressait un charnier immonde. L’ancienne salle des jugements était remplie de cadavres blafards. Les corps étaient entassés, leurs membres entremêlés dans une étreinte funeste, formant un monticule de plusieurs mètres de haut. Constantine lutta pour ne pas vomir. Il y avait des femmes, des hommes, des enfants, tous dans un état de décomposition avancée. C’était donc à cet endroit que le Syndicat amenait tous les corps… Mais pourquoi ?

Venria se détourna de ce spectacle morbide. Que se passait-il ici ? Elle entrevit un mouvement dans les ombres. Quatre soldats sortirent de couloirs attenants. Ils combattirent parmi les cadavres, leurs yeux à demi liquéfiés les dévisageant avec reproche.

Une fois le dernier des assaillants tué, ils quittèrent cet endroit. Graham demanda à Tilbaren de s’occuper des prisonniers. Ils ne pouvaient décemment pas les laisser à proximité d’une telle infamie…

Les lourdes portes de la salle du trône étaient à demi closes. Elles se dressaient devant eux, menaçantes. Constantine observa l’endroit où le bélier avait fait céder la barre. Il ne se souvenait que trop bien des coups assourdissants, des cris étouffés de Lisara et de Nella. De Gyserus tirant son épée. De sa mère lui murmurant que tout irait bien… Pourquoi ne se souvenait-il pas de son visage ?

Urdos et Strygos ouvrirent chacun un battant de la porte, dont les charnières crissèrent douloureusement. La longue complainte résonna dans la salle avant de se taire, comme une nuée de harpies.

Tout le long de la salle cérémonielle, des flambeaux avaient été allumés à la base de chaque colonne massive. Ils brûlaient d’une lueur verdâtre et sépulcrale. Entre chaque pilier, les fenêtres en ogive étaient obstruées par de lourds rideaux mités, plongeant la pièce dans une pénombre angoissante… De l’autre côté, sur l’estrade seigneuriale, une silhouette massive et corpulente se dressait devant l’antique trône des Narsès, auréolée d’un dais en lambeaux.

Vêtu d’atours princiers, élaborés à mi-chemin entre les habits d’un prêtre et d’un marchand de haut rang, Coriolanus Vestra fixait les nouveaux arrivants avec un sourire carnassier peint sur le visage. Ses bajoues flasques et fardées s’évasaient en un hideux triple menton. Ses yeux étaient grimés, mais son maquillage coulait autour de ses yeux injectés de sang. Son crâne chauve luisait dans la lueur morbide, tout comme les lisérés d’or de ses vêtements. Mais tout en lui respirait la décrépitude. Sa chair était maladive, tâchée autour des lèvres, ses habits étaient déchirés et élimés, son vernis à ongles noir était écaillé…

Il était aussi grand qu’il était obèse, mais son embonpoint n’atténuait en rien le sentiment de danger qu’il dégageait. Peut-être était-ce à cause de la pantagruélique épée tronçonneuse qui était plantée dans le sol à côté de lui… Sa main était posée sur son pommeau en forme d’astre d’onyx, mais il la retira pour écarter les bras en signe de bienvenue.

- Bienvenue, cher Constantine Narsès. Sais-tu que j’ai écumé ciels et terres à ta recherche… Et voilà que tu te présentes à moi. Béni soit l’Empereur-Dieu ! Ma patience et mes efforts ont été récompensés !

mardi 1 décembre 2009

DARK HERESY – MAGGOTS IN THE MEAT : RESUME, PART.6



Les acolytes des deux unités se retrouvèrent en Osquie mineure, au-delà des frontières d’Ascandia, à la lisière du Duché de Nunka. Le Pellenshir se posa doucement dans la clairière abritée où patientait la navette de Strygos et de ses compagnons, l’air brûlant de ses réacteurs fouettant et embrasant les herbes hautes.

Graham Strygos salua Zek et lui demanda des nouvelles de son inquisitrice. L’assassin d’Ark-Ashtyn le remercia de sa sollicitude sur un ton ironique, ce qui n’échappa pas à son homologue. Les deux groupes se concertèrent alors, étudiant leurs possibilités d’action.

Ils avaient découvert lors de leurs investigations en Evaness que les mines d’Electrogyre étaient désormais détenues par l’Honorée Guilde de l’Alliance Céleste. Un mandat impérial lui avait été alloué par l’Administratum pour lui garantir le monopole du marché. Mais ce n’était pas tout. Les archives mentionnaient un début d’exploitation bien antérieur à la découverte officielle du minerai. Les gisements avaient été enregistrés en 806M41 dans les registres, mais les premières excavations avaient commencé en 775M41. Et les propriétaires de ce gisement étaient le Clan O’Dientro…

Ils avaient aussi assisté à d’inquiétants préparatifs de guerre. La Synarchie Evanessine et son Prince Polémarque craignaient les velléités belliqueuses d’Orcan. On murmurait que le Régent souhaitait lancer une croisade contre Evaness, avec pour seuls enjeux le contrôle des mines d’Electrogyre et le maintien du Royaume d’Ascandia en tant qu’interlocuteur privilégié d’Acreage auprès des autorités impériales.

Qui contrôlait les mines disposerait des faveurs de l’Imperium…

D’après les recherches de Pericycllos, l’Electrogyre était un matériau psychoactif et psychocinétique. Maniée par un épéiste, une lame d’Electrogyre pouvait projeter une force cinétique induite par le seul mouvement de l’arme. Même esquivée par l’adversaire, l’attaque d’un bretteur pouvait infliger des blessures et des concussions par la seule force dégagée par le passage de l’arme.

Mais ce n’était pas tout. L’Electrogyre avait une propriété particulière. Manié par un Psyker, un objet de ce matériau entrait en résonnance avec tout autre objet issu du même gisement, mais pas d’un autre. Ainsi, les Psykers pouvaient activer, de manière télécommandée et sans restriction de distance, des mécanismes situés à l’autre extrémité de la galaxie par leur seule pensée. Mais aussi toute une série d’instruments, séparés par des distances faramineuses et précisément au même instant, sans délai aucun entre les dispositifs. Deux Psykers pouvaient dialoguer entre eux sans passer par un astropathe, même éloignés de milliards de kilomètres…

De leur côté, Constantine et ses compagnons leur parlèrent de leurs découvertes, et de la localisation de Vestra. Un temps, toutes les inimitiés entre les deux unités disparurent, alors qu’ils coordonnaient leurs efforts pour mener à bien leur mission.

Malgré toutes leurs précautions, ils s’aperçurent qu’ils avaient été vus par la population locale. Un osquien se présenta à eux en rampant, les mains en prière au-dessus de sa tête courbée. Il s’adressa aux acolytes comme s’ils étaient des dieux. Pericycllos parvint à traduire ses paroles. Cet humble paysan souhaitait que les « Chevaucheurs de Dragons » l’accompagnent pour reprendre la « bête » qu’ils lui avaient confié, et qui dévorait le fruit de ses récoltes, buvait le sang noir de la terre et empêchait ses troupeaux de se reproduire. Ils comprirent vite que les dirigeants de la Théocratie Osquienne lui avaient offert une machine. Une machine pour accroître ses rendements, où il versait son blé et récupérait les graines triées.

L’industrialisation galopante de cette région faisait écho à la politique de modernisation d’Orcan… Les Théocrates avaient peur des ambitions que pouvaient nourrir le Régent, et ne pouvaient se laisser distancer technologiquement parlant. Ils avaient semblait-t-il eux aussi entrepris d’introduire des machines dans les diverses strates de la société. Mais les réformes étaient trop rapides, forcées, et n’étaient pas suivies par une politique d’éducation ou de formation efficace. Les superstitions étaient encore fortement ancrées, et le peuple était arraché brutalement d’une ère de mythes et de folklore pour entrer dans un âge de progrès technologique…

Ils laissèrent le fermier à ses angoisses. A travers ses larmes, ce dernier regarda avec terreur les « dragons » s’élever dans le ciel, leurs gueules auréolées de flammes infernales. Il resta là, pantelant et tremblant, laissant les vents déchaînés frapper son visage…

Sur le trajet, Pericycllos envoya une requête d’assistance dans tous les systèmes voisins, avec pour objectif d’attaquer le vaisseau du soi-disant Mortus-Charonis qui orbitait encore autour de la planète. Un contingent du Divisio Immoralis, une section spéciale de l’Adeptus Arbites spécialisée dans la traque d’hérétiques, répondit à l’appel et envoya un vaisseau pour engager le vaisseau ennemi.

Lorsqu’ils arrivèrent à Olrankan, les acolytes eurent la mauvaise surprise de se faire recevoir par une délégation de la Garde Palatine. Orcan les attendait, sous bonne escorte, fulminant comme jamais. Il entra en trombe dans le Pellenshir, tressaillant de dégoût en posant les yeux sur l’architecture Xeno du vaisseau. Et tira son épée.

Venria se dressa face à lui pour lui barrer le passage, devinant la raison de sa visite. Orcan se figea soudain, et posa des yeux horrifiés sur elle. La Sororitas vit l’épée du Régent luire d’une pâle lueur bleutée. Quelqu’un derrière elle hoqueta de surprise. Ses yeux dérivèrent vers ses propres bras. Des lignes entrelacées couraient sur sa peau en délicates arabesques, illuminées d’une lueur bleuâtre… Elle fut prise de vertiges, et eut l’impression désagréable qu’on lui comprimait le cerveau.

Dakka vit l’épiderme de Venria se couvrir de tatouages bioluminescents. Son visage, ses bras… tout son corps semblait palpiter de la même lueur qui filtrait de l’épée. Venria cria. Orcan leva sa lame, aussi étonné que l’acolyte, et fit un pas en arrière, puis un autre... La peur se lisait dans ses yeux.

La lumière disparut petit à petit de l’arme et de la peau de Venria. La Sororitas posa une main sur le mur du vaisseau, clignant des yeux. Une terrible lassitude passa sur elle, et elle se sentit accablée par la solitude, le doute… le profond sentiment d’être abandonnée, comme si soudain, le monde perdait son sens, se brisait sous ses yeux. Puis l’impression reflua.

Constantine posa une main sur son épaule et s’avança.

- C’est moi que tu cherches.
- Ainsi, c’était vrai… Tu oses revenir, Narsès ! Tu aurais mieux fait de rester hors de portée de mon influence ! Cette fois-ci, je ne te laisserai pas filer. Tu vas regretter cette erreur ! Gardes !

Six soldats avancèrent à l’unisson, brandissant leurs hallebardes.

- Oserais-tu t’en prendre à un serviteur de l’Inquisition, Orcan ? Feras-tu cette erreur ?

Orcan le toisa, grimaçant de haine. Les soldats s’étaient figés sur place. Constantine le dévisagea. Son ennemi. Le meurtrier de ses parents. Il vit l’arme qu’il tenait. Horizon, l’épée de son père. De leur père… Il sentit la haine passer en lui, bouillonner… Sa main chercha la garde de son épée. Mais il retint son bras.

- Nous avons à discuter, mon frère.

Orcan écarquilla les yeux. Ses yeux dardèrent vers ses soldats, puis de nouveau sur Constantine. Ce dernier lui indiqua de la main une pièce du vaisseau.

- J’imagine que tu préférerais un tête-à-tête ?
- Si tu tentes quoi que ce soit, servant de l’Inquisition ou non, ma garde aura ta tête.

Les deux hommes passèrent la porte en se jetant des regards venimeux…

Ils se toisèrent un long moment, pleins de fiel et de morgue. La mâchoire serrée, Constantine laissa défiler ses souvenirs. Sa rage, sa vindicte, sa détresse… Il les laissa le submerger complètement. Il les laissa noyer son ancien lui. Il ferma les yeux alors qu’il faisait le deuil de sa vie passée. Lorsqu’il ouvrit les yeux, il exhala longuement, et avec, souffla au loin ses anciens souhaits, ses anciens rêves… et prit sa décision.

- Je suis Constantine Marsimus, acolyte au service de l’Inquisiteur Magnus Roake, du Saint Ordo Hereticus. Et je ne suis là que pour une seule chose. Traquer un hérétique…

Au dehors, sous couvert de leur autorité, les acolytes questionnèrent un officier de la milice. Il y a quelques heures, au moment de l’offensive sur l’entrepôt du Mortus-Charonis, les cinq vaisseaux qui avaient déposé les deux cent cinquante agents de la secte, avaient redécollé sans autorisation et tenté de pénétrer l’espace interdit. Deux avaient été abattus, mais trois autres étaient parvenus à rallier le continent.

Les trois vaisseaux avaient rejoints l’Almighty Sun au Canal de l’Aquila et avaient cherché à les rembarquer à leur bord. Le Seigneur Gurst avait décidé d’intervenir, avec une force armée de mille hommes. De nombreux prêtres furent tués en dépit de leur résistance acharnée. Mais près de cent cinquante sectateurs étaient parvenus à remonter à bord, emportant avec eux un étrange appareillage.

Les canons des vaisseaux et les armes sophistiquées des adversaires avaient causé de lourdes pertes parmi les assaillants. Deux cent cavaliers et quatre cent fantassins avaient péri, contre seulement cent des leurs. Les vaisseaux étaient alors partis vers le nord-ouest en survolant les terres Angelus. Sans l’arrivée dans leur dos des renforts envoyés par la garnison méridionale de la Maison Angelus, le nombre de morts aurait été bien plus élevé…

Puis le Régent avait reçu une communication d’un certain Coriolanus Vestra, lui intimant de lui livrer Constantine Narsès s’il voulait éviter plus d’effusions de sang.

Profitant qu’ils étaient seuls, Pericycllos lorgna du côté de Venria.

- Pourriez-vous m’expliquer, ma chère, pourquoi vous semblez arborer des tatouages d’Electrogyre, qui plus est du même gisement que celle qui a servi à façonner l’épée du Régent ?

Venria se détourna sans même lui répondre. Elle n’avait pas la réponse à cette question…

Quelques minutes plus tard, Constantine et Orcan sortirent enfin. Si l’animosité se lisait encore dans leurs yeux, une entente semblait avoir été trouvée. Les troupes du Régent allaient prêter assistance aux acolytes pour un assaut sur l’ancien palais Narsès.

Les deux hommes se séparèrent pour organiser leur assaut conjoint. Constantine soupira. Il n’avait pas eu d’autre choix que de laisser Orcan déclarer les insurgés traîtres s’ils ne déposaient pas immédiatement les armes. N’étaient-ils pas financés par Coriolanus Vestra, à travers ces prêtres du Mortus factices ? Tel avait été le prix de sa coopération…

Pericycllos et Boucles d’Or étudièrent les banques de données récupérées à la morgue du Mortus. Du moins celles qu’ils étaient parvenus à sauver ou à restaurer informatiquement… En croisant les références, le montant des sommes, les cargos utilisés pour faire transiter les armes et les provisions, ils découvrirent l’identité véritable des prêtres du Mortus-Charonis.

Le Syndicat Amaranthien.

L’Amaranthe était le nom d’une alliance interstellaire de commerçants, de guildes de commerce, de familles nobles, de maisons marchandes mineures, de capitaines chartistes et de clans Void Born. Issu de l’Abysse d’Hazeroth, ce syndicat s’implantait désormais dans l’Etendue Josienne, et malgré leur expansion économique fulgurante, il était encore considéré comme une fédération secondaire par les autorités du Secteur. Mais des rumeurs avaient vu le jour. Certains employés de l’Arbites avaient mis en lumière des pratiques douteuses et des négoces illégaux. On parlait entre autres d’actes de piraterie, de commerce de xeno-artefacts illicites... Le Cartel avait acquis au fur et à mesure des décennies une réputation sinistre.

Pericycllos leur fit part des dernières rumeurs à leur sujet. Si cette ligue se donnait l’apparence d’un vague rassemblement de marchands indépendants, on murmurait qu’elle était en réalité structurée de manière pyramidale, avec à sa tête les mystérieux et chimériques Principati. Aucune preuve n’avait jusque-là été découverte, et l’organisation n’avait jamais été inquiétée dans son ensemble. Seuls les contrevenants directs avaient été exposés à la sainte justice et au châtiment intransigeant des Hauts-Juges de l’Adeptus Arbites, mais les chambres procédurales ne désespéraient pas de condamner la totalité de cette coalition mafieuse.

Il n’était pas étonnant que des membres de ce syndicat se fussent acoquinés à Coriolanus Vestra, ni que ce dernier fît appel à eux, car ils plaçaient le profit avant toute autre chose, et avaient des moyens conséquents à leur disposition. C’était un groupement impitoyable, qui ne reculait devant rien – chantage, extorsion, meurtre, corruption… – pour parvenir à ses fins.

Constantine observa les mouvements de troupes en contrebas. Il les regarda se positionner en rangs impeccables, avec une ferveur et une rigueur toute impériale… Le ciel était clair sur la pointe du Cimier, l’archipel qui marquait la séparation entre les eaux saumâtres des marais et les flots salés de la Mer des Cendres. Orcan y avait érigé sa nouvelle académie, au sein d’une forteresse cyclopéenne. Des mouettes piaillaient dans le pâle azur. Il les regarda dériver longuement au-dessus de sa tête, scrutant les ombres de leurs ailes déployées… Puis les réacteurs hurlèrent.

Le Pellenshir s’éleva dans les airs au milieu de myriades d’autres vaisseaux. A leur bord, les troupes d’élite d’Orcan. Quatre mille hommes formés à l’Académie réformée, au maniement des armes à distance et aux tactiques militaires impériales. La nouvelle génération de soldats et d’officiers aux standards des forces de défense planétaire, pour remplacer les chevaliers désuets, cavaliers archaïques et autres fantassins surannés…

Les barges de débarquement s’élancèrent au-dessus de la mer cendrée telle une nuée de monstres ailés, et Constantine regarda l’armada filer droit vers ses anciennes terres et son ancienne demeure. Vers là où tout avait débuté.